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Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Monique Demagny
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lui-même l’Autriche qui entraînait la France dans sa lutte contre la Prusse, exactement comme la Prusse l’avait fait quelques années plus tôt dans la guerre de succession d’Autriche. Dans le même élan il vouait aux gémonies l’Angleterre qui voulait chasser la France des terres américaines, mais ces sombres pensées ne lui donnaient pas de crédits pour l’embellissement de Paris, ni pour l’entretien de Versailles. Les grands projets qu’il caressait commençaient à faire figure de chimères, et le quotidien du Directeur des Bâtiments ne se meublait plus que de la désespérante routine des réparations en tous genres que réclamait Versailles ou des aménagements en cascades des ateliers et des logements du Louvre. L’administration s’embourbait dans des raccommodages éphémères, Marigny piaffait. Alors pourse dégourdir les méninges, pour créer quelque exaltation dans son travail, il tâchait de trouver un palliatif de la morosité, et comme il ne manquait pas d’imagination et que Soufflot était toujours prêt à s’engouffrer avec lui dans la première brèche de nouveauté et d’invention il avait défini deux axes où il pouvait l’entraîner. Le premier concernait la construction et l’aménagement de sa maison de Roule, le second l’épopée d’un rêve gratuit qui n’avait ni commanditaire ni crédits.

    Abel s’était un jour lassé de l’hôtel que le roi avait mis à sa disposition rue Saint-Thomas-du-Louvre. Trop grand ? Pas vraiment. Trop impersonnel ? L’argument n’était pas là, tout avait été arrangé à son goût. Abel avait peut-être simplement l’impression d’être là de passage. Un autre y viendrait après lui comme lui-même était venu à son heure. Vivant au milieu d’architectes toujours en effervescence et pour ce qui était de Soufflot toujours en avance d’une idée, il avait tout naturellement pris le goût de faire bâtir une maison qui témoignerait de l’architecture de ce temps. Il n’imagina pas un instant que cela puisse se faire ailleurs que dans les nouveaux quartiers de Paris, ceux qui amorçaient l’avenir de la ville. Il se porta donc acquéreur en 1761 d’un terrain dans le nouveau faubourg du Roule. Qui pouvait mieux que Soufflot bâtir sa maison ? Sitôt l’affaire conclue, il s’emballa. Les travaux ne pouvaient attendre. « Soufflot, quittez le Louvre auquel nous ne ferons pas grand-chose cette année, quittez Sainte-Geneviève, quittez tout, il s’agit de ma maison du Roule. » Lesexplications suivaient, se succédaient, s’entremêlaient. Il entrait dans les détails, il les mélangeait, il y revenait.
    D’autres billets suivirent, tout aussi prolixes de recommandations, d’exigences amicales mais précises. Marigny rêvait éveillé, sa maison il la voyait déjà, terminée, décorée, parfaite. Le salon devait être grand et qu’on ait garde de placer un beau buste du roi sur la table devant la cheminée. Il serait en bronze, à Soufflot de choisir qui le réaliserait. Il se fit aménager un cabinet-bibliothèque qui lui serait une retraite dans une maison bien vaste et prévue pour de grandes réceptions. Pas de bronze dans cette pièce intime, une cheminée simple, une glace en attique, un meuble des Gobelins. La salle à manger serait peinte en blanc et or avec des carreaux de marbre veiné. Soufflot devrait aussi prévoir l’argenterie mais attention aux prétentions de l’orfèvre ! Il ne s’agissait pas de se faire voler ! Le goût des maisons, qui ne quitterait jamais Marigny, lui vint alors avec celle du Roule qu’il habiterait finalement si peu.
    La maison du Roule pouvait meubler un peu le temps libéré par le défaut de budget pour les Bâtiments. S’agissant de Soufflot qui pouvait avoir un nombre effarant d’idées dans une seule journée et de Marigny qui le valait bien pour échafauder des châteaux en Espagne, c’était un chantier un peu court. Restait un rêve aussi gratuit qu’exaltant. Marigny rêvait théâtre et Soufflot le suivait volontiers sur ce terrain-là. Comme ils avaient du temps ce qui leur arrivait rarement, et point d’argent ce qui était beaucoup plus coutumier, ils travaillèrent pour le plaisir. Paris avait besoin d’un théâtre. Un vrai théâtre. Comme à Turin ? Quand les financesreviendraient on pourrait construire un théâtre pour la Comédie-Française en bord de Seine à l’emplacement de l’hôtel de Conti, lieu déjà proposé lors des

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