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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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poing qui lui brisa le nez. Il tira son poignard. Les choses auraient pu dégénérer si l'on n'était intervenu pour séparer les deux adversaires. Puisque Philippe refusait de prendre parti – il eût sinon dû, en toute conscience, se prononcer contre son ami –, Renaud se déclara insulté et quitta la cour avec pertes et fracas. Le roi le fit rattraper par le frère Guérin, lequel tenta de le raisonner, en vain.
    — Je reviendrais volontiers si le sang qui est coulé de mon nez remontait en arrière, déclara l'irascible comte de Boulogne. Rien de moins ne pourrait m'apaiser.
    Depuis de longs mois, Richard lui faisait des avances de plus en plus concrètes, et l'on savait que Richard tenait ses promesses. Une dernière visite de Guillaume le Maréchal suffit à emporter l'affaire.
    Le roi de France, peiné, se demanda longtemps ce qui avait provoqué cette défection, au-delà du prétexte. Était-ce vraiment pure cupidité ? Était-ce leur dispute au sujet des pillages de son ami, d'ores et déjà excommunié ? Ou bien la comtesse se montrait-elle décidément par trop provocante et son mari désirait-il l'éloigner de la cour ? En ce cas, il se fourvoyait : quand Philippe faisait à Ide l'honneur de remarquer ses œillades, c'était pour en rire avec Agnès.
    Quoi qu'il en fût, le comte de Boulogne abandonna un suzerain auquel il devait tout pour se ranger sous la bannière du Cœur de Lion, entraînant avec lui le comte de Guines ainsi que plusieurs autres barons du nord. Une coalition, lentement, prenait forme.
    Si la trahison de son ancien camarade de jeux s'avéra pour Philippe la plus douloureuse, elle ne fut pas la plus catastrophique. Celle-là survint en août, bien entendu, quand avant même de signer l'accord le liant au roi d'Angleterre, Baudouin de Flandre et de Hainaut envahit le Tournaisis, prit Douai et entreprit d'assiéger Arras. Toutes ces terres eussent été siennes sans les accords imposés par le roi de France à son parrain Philippe d'Alsace et, puisque ledit roi était présentement attaqué de tous côtés, Baudouin estimait le moment bien choisi pour les reprendre.
    Le Capétien, surpris, privé de son connétable Dreux de Mello que Richard avait capturé trois mois plus tôt, en même temps que l'évêque de Beauvais, se laissa emporter par sa fougue. Réunissant à la hâte une forte troupe, il s'enfonça en Flandre pour châtier le coupable. Mal lui en prit : Baudouin le laissa venir puis fit ouvrir toutes les écluses de la région, si bien que les Français, enlisés dans une véritable fondrière, durent capituler. Aussitôt rentré à Paris, Philippe dénonça les termes de la trêve, arguant qu'un vassal n'a aucun droit de fixer des conditions à son suzerain, mais l'humiliation lui restait en travers de la gorge.
    Alors que ses proches se préparaient déjà à subir son humeur noire durant de longs jours, Agnès, qui sortait tout juste de couches, sut trouver les mots pour apaiser ce tempérament emporté. À moins que ce ne fut le minois rieur de la petite Marie venant de naître. Abandonné de ses alliés, seul contre tous ou presque, accablé sur le champ de bataille, le roi puisa dans sa félicité conjugale la force de vaincre la colère et de conserver un jugement sûr. Jamais, depuis son retour de Terre Sainte, il n'avait paru aussi maître de lui. Ses tics avaient presque disparu.
    Trois décès, un par an, allaient bouleverser l'échiquier politique.
    Le premier fut celui d'Henri VI Hohenstaufen, l'empereur.
    Devenu roi de Sicile après avoir vaincu le rusé Tancrède, il se trouvait à Messine quand la mort le faucha au début de l'automne 1197, Henri n'avait pas eu le temps d'accomplir la tâche qu'il s'était fixée rendre la couronne impériale héréditaire. À peine avait-il pu faire sacrer son fils Frédéric roi des Romains.
    Or, il existait une faction fermement décidée à conserver au titre d'empereur son caractère électif. Celle-là choisit pour candidat Otton de Brunswick, qui était le neveu de Richard. D'ores et déjà délivré d'un encombrant suzerain – puisqu'on prêtait l'hommage-lige à l'homme et non au titre, l'Angleterre redevenait un État souverain –, le Plantagenêt disposerait si Otton l'emportait d'un allié monumental.
    Philippe, qui n'envisageait pas cette perspective sans appréhension, signa au mois de juin un traité d'alliance avec le candidat choisi par les partisans des Hohenstaufen : plutôt qu'un enfant,

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