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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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ils désiraient placer sur le trône le frère d'Henri VI, Philippe de Souabe.
    Le pape en décida autrement.
    Car, en janvier, était intervenu un deuxième décès : celui de Célestin III. Le même jour, au terme de l'élection la plus rapide de l'histoire de la papauté, son successeur était connu : Giovanni Lotario di Segni montait sur le trône de saint Pierre sous le nom d'Innocent III. Cette fois, plutôt que d'un vieillard timoré, l’Église s'était dotée d'un chef jeune et énergique, désireux d'imposer sa volonté à toute la Chrétienté.
    L'affaire d'Isambour portée à son attention par un abbé Guillaume d'Aebelholt toujours désireux de faire rendre justice à sa protégée, il s'était empressé d'écrire à l'évêque de Paris, Eudes de Sully, pour lui enjoindre de raisonner Philippe, de l'amener à renvoyer sa concubine et à reprendre auprès de lui la sœur du roi de Danemark. Innocent voyait dans le mariage le plus sacré des sacrements, le plus susceptible de maintenir l'ordre social et le respect des lois divines. S'il voulait en faire une loi immuable, les grands devaient donner l'exemple aux humbles : on ne pouvait autoriser un roi, fût-ce celui de France, à renvoyer une femme dont il ne voulait plus comme il l'eût fait d'un chien ou d'un cheval. Ce que Dieu avait uni, l'homme ne devait pas le désunir.
    Eudes de Sully savait en accomplissant la volonté papale qu'il essuierait un échec. Déjà, lorsque seule la répulsion entrait en jeu, Philippe avait refusé de se réconcilier avec Isambour. À présent qu'il en aimait passionnément une autre, sa résolution ne pouvait qu'être raffermie. De fait, il avait signifié à l'évêque, en termes choisis, qu'ordre du pape ou non, il n'avait nulle intention de se séparer d'Agnès, laquelle accoucherait d'ailleurs bientôt d'un deuxième enfant – un fils, cette fois, qui recevrait le nom de son père.
    Innocent, avisé de cette réaction, lui avait alors écrit personnellement, l'assurant de l'amitié qu'il lui portait et lui exposant à nouveau que sa conduite était indigne d'un monarque chrétien. Ne sentait-il pas la colère de Dieu s'appesantir sur lui ? Depuis cinq ans qu'Isambour était enfermée, la France n'avait connu que famines et défaites. Il était urgent d'apaiser le Tout-Puissant en se pliant à sa loi. Le pape rappelait qu'aucun lien familial n'unissait le roi et la Danoise, alors que, comble de honte, Philippe et Agnès possédaient des arrière-grands-parents communs, ce qui rendait leur union illicite. Il exhortait son « très cher fils » à reprendre son épouse légitime après avoir chassé l'autre. S'il manquait de rendre à Isambour les honneurs dus à une reine, les pires conséquences l'attendaient.
    Nous sévirions contre vous quoi qu'il puisse nous en coûter, écrivait Innocent. Nous voulons réprimander et châtier sévèrement ceux que nous aimons, car Dieu a mis dans notre cœur l'inflexible et immuable résolution de ne jamais nous laisser écarter de la voie de justice, ni par les prières, ni par les présents, ni par l'amour, ni par la haine. Nous marcherons droit dans cette route royale, sans incliner à droite, sans dévier à gauche, et nous jugerons sans exception de personne, parce que tous les hommes sont égaux aux yeux de Dieu. Il ajoutait : Quelle que soit la confiance que vous inspire votre pouvoir, vous ne sauriez faire front, nous ne disons pas en notre présence, mais devant la face de Dieu dont nous sommes, quoiqu'indigne, le représentant sur la terre. Votre mince et éphémère puissance lutterait vainement contre la toute-puissance de la divine et éternelle Majesté. Faites donc de nécessité vertu…
    Parallèlement, l'ambitieux pontife intervenait dans la succession impériale. Peu désireux de voir un Hohenstaufen roi de Sicile et roi des Romains étendre sa domination sur toute l'Italie du Nord, l'enfermant, lui, dans un étau et unissant ces terres à l'Empire pour disposer d'une puissance immense, il se déclara en faveur d'Otton de Brunswick – alors même que Philippe venait d'épouser la cause de son rival. Cela lui valut une lettre très sèche expliquant que sa prise de position était susceptible de nuire à la France et qu'elle ne serait pas tolérée. Si vous persévérez dans votre dessein, nous serons obligé d'agir en temps et lieu et de nous défendre comme nous pourrons, concluait le roi. Cause pour cause, menace pour menace, chacun

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