Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
Vom Netzwerk:
à
Votre Sainteté, en fait de douloureuse épître, le récit, fait en pleurant
dans le gémissement du cœur, des vexations qui me sont imposées.
Trois ans déjà ont passé en effet depuis que le roi de France
m'a épousée, moi qui avais l'âge nubile, et m'a rendu le devoir
conjugal comme l'exige l'ordre naturel ; ensuite, par inspiration
diabolique, et séduit par l'influence de quelques malicieux
seigneurs, il a épousé la fille du duc Berthold, Agnès de Méranie. Il
l'a prise pour épouse, tandis que, pour moi, il a donné l'ordre de
m'enfermer dans une forteresse […] »
    Isambour de Danemark, lettre au pape Célestin II I

III

1
    La lutte contre le roi d'Angleterre reprit en été, alors que Philippe explorait encore les nues de la passion en compagnie d'Agnès. Ce fut avec répugnance qu'il s'arracha à ces quelques semaines de chasse et d'amour pour s'en aller mettre le siège devant Aumale. Rupture de trêve ! hurla Richard. On lui répliqua qu'il avait lui-même fait acte de guerre en mettant à profit ladite trêve pour construire aux Andelys, sur une éminence rocheuse dominant la Seine, le Château-Gaillard – véritable forteresse munie de trois enceintes, d'apparence imprenable. Il disposait là d'un bouclier, idéal pour remplacer Gisors, contre toute invasion de la Normandie par la France. Philippe ne pouvait ignorer pareille provocation.
    Quelques jours avant son départ en campagne, il éprouva cependant une dernière joie qui couronna cette brève période de bonheur : celle de revoir le frère Guérin qui lui avait rendu tant de services durant le siège d'Acre. L'Hospitalier, fidèle à son vœu, avait poursuivi le combat à son étrange manière jusqu'à ce que la paix fût signée avec Saladin. Ensuite, il s'était attardé à Jérusalem, en dévotions, puis s'était rendu à Rome pour rencontrer le pape. Après en avoir reçu la bénédiction, il s'était embarqué pour Marseille et, de là, avait pris la route de Paris. Si le roi de France éprouvait toujours l'envie de l'employer, Guérin était prêt à le servir.
    Philippe n'avait pour le moment pas le loisir d'étudier la question. Il fêta son visiteur, affirma le désirer plus que jamais dans son entourage et le confia aux bons soins de l'archevêque de Reims. Il ne faudrait pas longtemps à Guillaume aux Blanches Mains pour reconnaître en Guérin un esprit politique avisé et lui confier des tâches où sa finesse et un dévouement guère alourdi de scrupules feraient merveille.
    Ce fut donc à nouveau la guerre, une guerre de pillages et de sièges, menée sans grand souci de logique : tandis que Philippe enlevait des places fortes en Normandie, Richard s'engouffrait en Bretagne et dans le Berry, y causait les pires ravages ; de par et d'autre, les cotereaux poursuivaient leurs déprédations, et l'évêque de Beauvais, assisté de son soudard d'archidiacre, n'était pas en reste.
    Puisqu'aucun des belligérants ne parvenait à conquérir un avantage décisif, la lutte territoriale se doubla bientôt d'une course aux alliés dans laquelle le Plantagenêt, qui dispensait sans compter argent et honneurs, se révéla nettement vainqueur.
    Ce fut la France, cependant, qui marqua le premier point. Comme Richard exigeait des Bretons qu'ils lui remettent en garde son neveu Arthur, le haut clergé local, échaudé par ses expéditions guerrières et le soupçonnant de vouloir annexer l'héritage de l'enfant, préféra confier ce dernier à Philippe.
    La suite ne fut qu'une série de cruels revers. Opposé de toute éternité au comte de Toulouse, le roi d'Angleterre signa avec lui la paix et lui donna en mariage sa sœur Jeanne. Quelques mois auparavant, le coup eût été rude pour le Capétien : cette femme, il l'avait aimée ou peu s'en fallait. À présent, il remerciait le destin d'avoir écarté de lui la sœur de son ennemi, en Terre Sainte, faute de quoi il n'eût jamais connu Agnès. Cette union ne manqua donc pas de le préoccuper, mais uniquement pour raisons politiques.
    Car le navire ne tarda pas à faire eau de toutes parts. Au début du printemps suivant, peu avant la naissance du premier enfant de Philippe et de sa jeune épouse – une fille qu'on prénommerait Marie –, Renaud de Dammartin passa à l'Angleterre.
    L'incident décisif se produisit lors d'un conseil des barons, à Compiègne. Se prenant de bec avec Hugues, comte de Saint-Pol, Renaud l'injuria vertement et reçut en retour un coup de

Weitere Kostenlose Bücher