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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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voix.
    — Que comptez-vous faire ? articula-t-elle, la gorge serrée.
    — Moi ? repartit l'Hospitalier. Je compte poursuivre mon travail au service du roi Philippe et du royaume de France. La question est de savoir ce que vous, vous comptez faire : rester dans cette prison toute votre vie ou reprendre votre place à la cour ?
    Isambour, chancelante, fut contrainte de s'appuyer au mur pour ne pas tomber. Ces dernières paroles l'avaient plus étourdie que des menaces de mort.
    — Qu'avez-vous dit ? souffla-t-elle, la main pressée sur la poitrine – question de pure forme dont elle n'attendit pas la réponse. Vous… (Elle hésita.) Vous ne me considérez pas comme un être diabolique ?
    Guérin éclata d'un grand rire franc.
    — Madame, je vous en prie ! Je suis certes homme de Dieu, mais je n'ai pas passé ma vie dans un monastère. Je connais l'existence de votre peuple depuis plus de vingt ans. Au cours de mes voyages, j'ai croisé plusieurs de ses représentants, liés à divers éléments, et si les circonstances ont fait que je les ai parfois combattus, aucun ne m'a semblé plus démoniaque que bien des humains. J'ai l'intime conviction que nous sommes tous créatures de Dieu.
    Isambour n'osait croire à ce qu'elle entendait.
    — Je… j'en suis persuadée, moi aussi, dit-elle.
    — Vous croyez ? s'étonna l'Hospitalier. Je veux dire : pour de bon. Votre piété n'est pas de façade ? Répondez sans crainte : rien de ce que vous me direz ne sortira d'ici.
    — J'ai sincèrement la foi, affirma Isambour.
    — Voilà qui vous distingue singulièrement de vos frères de race, il me semble.
    Elle sourit et eut un geste éloquent.
    — Je suis ici, pas parmi eux.
    — En tout cas, c'est pour moi une raison de plus de favoriser votre retour en grâce.
    — Vous me faites rêver, frère Guérin, avoua la reine.
    — Ne rêvez pas trop. Il est possible que j'échoue et cela prendra de toute façon beaucoup de temps.
    — J'ai l'habitude d'attendre. Peu m'importe, si j'ai l'espoir d'aboutir.
    — Alors, je suis sûr que nous allons nous entendre. Le roi Philippe a besoin d'une épouse sur laquelle s'appuyer. Je ne parle pas seulement d'une maîtresse, ni même d'une reine avisée, mais avant tout d'une femme. Je commence à bien le connaître, vous savez : il peut être froid, calculateur, brutal, mais quoi qu'il en laisse paraître, quoi qu'il en dise, quoi qu'il en pense lui-même, cet homme-là a besoin d'amour. Jamais je ne l'ai vu aussi serein, aussi compétent que – pardonnez-moi – lorsqu'il vivait avec Agnès.
    — Je n'ai rien à vous pardonner, assura Isambour. Agnès était pour lui la femme idéale. Personne ne la remplacera, moi moins que toute autre.
    — Aucune autre plus que vous, au contraire, renvoya l'Hospitalier. Il est évident que le pape n'annulera jamais votre mariage, même s'il s'abstient pour l'instant d'intervenir dans l'affaire. Philippe ne se remariera pas, et il ne saurait prendre une concubine officielle sans renouveler ses frictions avec Rome, ce qu'il ne souhaite pas, d'autant que je suis là pour le lui déconseiller : quand on a pour ennemi un Jean Plantagenêt qui se pose ouvertement en champion du mal, refuser d'endosser le rôle de défenseur du bien reviendrait à mépriser la providence. Or, un défenseur du bien ne peut, vous en conviendrez, se brouiller avec le pape : cela ne ferait pas sérieux.
    Isambour eut une grimace peu convaincue.
    — J'ai entendu parler d'une certaine demoiselle d'Arras, remarqua-t-elle.
    — Si fait, confirma Guérin sans se soucier d'épargner ses sentiments. Le roi lui voue en effet une grande tendresse, principalement depuis qu'elle lui porte un enfant, mais cela ne durera pas ; il commence déjà à se lasser d'elle. Et même si cela devait durer, le nom de cette jeune personne ne figurera jamais dans les chroniques, car elle ne quittera jamais Arras.
    La reine ressentit soudain le besoin de s'asseoir et gagna sa couche. Ainsi, Philippe allait être père pour la quatrième fois, et pour la quatrième fois, la mère serait une autre. Ses flancs à elle demeuraient stériles faute d'être fertilisés.
    Encore quelques années et même la fertilisation n'y pourrait mais…
    Le frère Guérin pivota sur son siège pour continuer de lui faire face.
    — Voici ce que je vous propose, reprit-il. Je sais de quoi vous êtes capable. De temps à autre, il se peut que je vous demande d'accomplir pour moi une

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