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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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l'on voudrait : son retour au Danemark – qu'y ferait-elle, au nom du ciel ? – ou son entrée en religion. La foi ne l'avait pas quittée ; elle passait l'essentiel de ses journées à prier : après tout, pour ce qu'elle profitait de sa vie, que ne l'offrait-elle totalement à Dieu ?
    La visite qu'elle reçut au printemps de l'an 1207 lui rendit espoir et combativité. En milieu d'après-midi, la jeune femme était plongée dans la lecture de son psautier, dont elle admirait inlassablement les images représentant en couleurs éclatantes des scènes tirées des deux Testaments, quand on frappa à sa porte des coups puissants et rapprochés.
    — Quelqu'un pour vous ! annonça d'une voix renfrognée une des désagréables suivantes qu'on lui imposait.
    Sans attendre de réponse, la mégère ouvrit le battant avec une telle négligence qu'elle l'envoya cogner contre le mur.
    — C'est là, annonça-t-elle inutilement au visiteur, avant de s'effacer pour le laisser passer et de refermer derrière lui.
    Isambour ne le reconnut pas tout de suite. Sa chasuble le dénonçait comme religieux mais elle ne se rappelait aucun prêtre possédant cette physionomie de Sarrasin.
    — Dieu vous bénisse, madame, dit-il en s'inclinant.
    Ce fut sa voix qui rafraîchit la mémoire de la reine. Si elle l'avait méconnu, c'était qu'à leur dernière rencontre, il portait l'habit militaire.
    — Vous êtes le frère Guérin ! s'exclama-t-elle en portant une main à sa bouche, effrayée.
    Il lui sourit.
    — En effet, madame. Et vous, vous êtes une fille des pierres. Je me trompe ?
    Isambour crut sentir son cœur s'arrêter. Après la prise du Château-Gaillard, faute de conséquences, elle avait estimé ses inquiétudes inutiles, – elle détenait désormais la preuve que l'Hospitalier savait. Or, passant pour le personnage le plus important du royaume après le roi, il disposait d'un pouvoir colossal, et c'était par ailleurs un homme d'église : il ne pouvait voir en elle que matière à brûler sur un bûcher. On ne la brûlerait pas, il eût fallu pour cela la retenir, mais elle devrait s'enfuir, tout abandonner. La seule pensée de voir ainsi crouler l'œuvre de toute sa vie la paralysait.
    — Vous permettez ? demanda Guérin en désignant un escabeau. (Comme elle ne répondait pas, il alla s'y installer, posa les mains sur ses genoux écartés en une posture fort peu cléricale, et sourit de plus belle.) Il m'a fallu, je l'admets, un certain temps pour comprendre. Aux Andelys, j'ai aussitôt su ce que vous étiez – seul un enfant des pierres avait pu effectuer instantanément un travail qui aurait demandé des jours à toute une équipe de sapeurs – mais je ne vous ai pas reconnue : je ne vous avais vue que durant le concile de Soissons qui datait déjà de plusieurs années – et au Château-Gaillard, vous avez pris grand soin de dissimuler votre visage derrière votre chevelure. Soit dit en passant, c'est ce qui m'a fait soupçonner que je vous connaissais.
    Isambour se mordit les lèvres : elle avait cru sa feinte très habile ; elle n'était qu'une enfant.
    — Ensuite, continua l'Hospitalier, j'ai été trop occupé pour creuser la question, mais cet épisode me revenait en tête périodiquement. J'étais sûr d'avoir assez d'éléments pour comprendre et d'échouer à les relier. C'est durant le siège de Thouars que tout s'est mis en place. Nous aurions alors eu grand besoin de vos talents, et j'ai suggéré au roi, à mots couverts, de faire appel à vous. Il a feint de ne pas m'entendre. Cela m'a donné à réfléchir. Un homme qui s'est battu au côté de Jean sans Terre ne peut être très scrupuleux sur le choix de ses alliés quand son intérêt commande. S'il refusait de louer ces services-là, c'était que celle qui les lui rendait lui inspirait une répugnance absolue. (Il marqua un brève pause.) C'est alors que j'ai pensé à vous. Si vous étiez l'inconnue du Château-Gaillard, deux mystères se trouvaient résolus d'un coup. Puisqu'il existait une ressemblance physique indéniable, j'ai tenu à me rendre compte par moi-même. Je vous avoue que je suis soulagé : cette interrogation permanente commençait à m'empêcher de dormir.
    La reine ne savait à quoi s'en tenir. L'attitude de Guérin n'était en rien menaçante mais elle sentait pourtant qu'il ne lui avait pas tout dit, qu'il avait en tête une idée bien précise, et cela l'inquiétait. Elle s'éclaircit la

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