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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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même peut-être très cher, je l'ignore encore.
    — Je suis prête à faire n'importe quoi pour hâter ma délivrance, assura-t-elle.
    — Ne parle pas trop vite : attends de savoir. (La reine se frictionna les bras, tremblante.) J'ai froid. On ne pourrait pas aller à l'intérieur ? J'ai entendu parler d'une cabane très confortable…
    La fille des rivières n'hésita qu'un instant.
    — C'est à deux pas, dit-elle. Suis-moi.
     
    Isambour, à demi allongée sur la couche de Lysamour, un manteau jeté sur elle telle une couverture, sirotait à petits coups une infusion florale dont elle laissait la chaleur se répandre dans son corps transi. Philippe lui avait décrit la cabane comme un lieu terrifiant, un antre de sorcière digne des romans de la Table Ronde, aussi s'était-elle attendu à quelque chose d'un peu sordide. Au lieu de quoi, elle découvrait un logis simple mais bien tenu, où elle se sentit tout de suite à l'aise : les parois de terre nue de la pièce inférieure ne pouvaient que la mettre en confiance.
    Elle comprenait cependant ce que cet endroit, magnifié par le souvenir, pouvait avoir eu de démoniaque pour un garçon de quatorze ans en proie aux assauts d'une furie. La fenêtre circulaire ouverte sur la rivière avait à elle seule de quoi faire vaciller la raison. Isambour ne savait pas exactement comment sa compagne s'y prenait pour imposer sa volonté à l'eau, mais elle sentait au fond d'elle que c'était possible – puisqu'elle-même pouvait remodeler la pierre.
    Elle but une nouvelle gorgée de liquide brûlant et eut un sourire : dans cette même pièce, sur cette même couche, Philippe avait été agressé, presque tué par celle avec qui elle partageait une boisson chaude en discutant aimablement. La vie avait parfois de ces ironies…
    — Sans le savoir, tu as en partie accompli ta vengeance, dit-elle. Tu ne l'as pas tué, mais tu as gâché sa vie.
    Elle expliqua pourquoi. Au fil de son discours, le visage de Lysamour s'allongea, envahi par la honte.
    — Je ne pensais pas lui avoir fait autant de mal, avoua-t-elle. Je le croyais quitte pour la peur. (Elle baissa les yeux.) Je te présente mes excuses. Tu peux les lui transmettre.
    — J'ai peur que ça ne suffise pas, hélas, déclara la reine sans animosité.
    La fille des rivières releva la tête pour la regarder dans les yeux, à la fois implorante et désespérée.
    — Je ne peux pas défaire ce que j'ai fait, dit-elle.
    — Non, mais tu peux peut-être en annuler les conséquences, ou au moins les atténuer. Ces excuses dont tu voulais me charger pour Philippe, je veux que tu les lui présentes toi-même, ici ! Tu dois comprendre qu'aujourd'hui encore, il a peur de toi. Tu es toujours pour lui le monstre qui l'a réduit à l'impuissance en se jouant, qui l'a menacé de mille morts en riant comme une possédée…
    — Je riais ? interrogea Lysamour, surprise.
    — Il paraît.
    — Je ne me rappelle pas. Il ne devait pas y avoir grand-chose de drôle, d'ailleurs. J'étais vraiment folle.
    — Quoi qu'il en soit, il te redoute plus que tous les démons de l'Enfer, et par voie de conséquence, il est incapable de se conduire en époux avec moi. Je veux changer l'image qu'il a de toi. Je désire qu'il te voie inoffensive, fragile. Qu'en ce lieu même où tu l'as terrifié, tu te mettes totalement à sa merci. Tu comprends ce que je te demande ?
    — Je t'ai dit que je ferais n'importe quoi, répondit la fille des rivières. Je ne m'attends pas à une partie de plaisir.
    — Ça n'en sera pas une, crois-le. (Isambour marqua une pause.) Voilà mon idée : le jour dit, je viendrai la première et je t'attacherai sur ce lit, nue, comme tu l'avais attaché lui. Ensuite, je l'appellerai puis je resterai ou je m'en irai, selon son vœu. Je ne sais pas ce qu'il te fera. Il est possible qu'il te batte. Je ne pense pas qu'il te tue mais ça n'est pas totalement exclu. Tu es toujours décidée ?
    Lysamour fit la grimace mais hocha cependant la tête.
    — S'il me brise quelques os, j'imagine que je l'aurai mérité, dit-elle.
    — Ce n'est pas la question, corrigea la reine. Crois bien que je ne songe pas à te punir : aussi étrange que cela puisse te paraître, je suis Chrétienne et j'applique mes principes : je t'ai déjà pardonné. Lui aura peut-être l'impression de se venger, pas moi. En fait, plutôt que de te frapper, je compte qu'il te viole – avec ton accord, bien entendu.
    Sa compagne

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