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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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qui lui gardent leur affection et à qui il suffira de raconter l'affaire pour qu'ils la transmettent en bonne et due forme.
    — Tout est donc pour le mieux, conclut le roi.
    Peu après, il envoya quérir des nouvelles de son épouse. On lui rapporta qu'une fois soignée, elle s'était profondément endormie, épuisée par son périple du matin. Rassuré, il décida de la laisser reposer et s'en fut annoncer officiellement à la cour que, tout bien considéré, il la conservait auprès de lui. Ainsi que chacun avait loué son jugement lorsqu'il avait pris la décision inverse, chacun loua cette fois sa magnanimité. Chacun, en dehors de sa mère, bien entendu, mais seul le regard glacial d'Adèle permit de deviner sa réprobation : elle estimait sans doute qu'une reine, pas plus qu'à ses amours, ne devait laisser libre cours à ses haines.
    La nuit était tombée quand Philippe gagna ses appartements après un frugal souper de Carême. Discrète, la dame qui veillait Isabelle se retira dans l'instant.
    La reine ne dormait pas mais ses yeux ensommeillés disaient assez qu'elle venait de s'éveiller. Rouges d'avoir trop pleuré, cernés, ils exprimaient encore de vagues craintes, sans abriter toutefois leur détresse du matin. Lorsqu'ils se posèrent sur le roi, la joie y occulta tout autre sentiment et les fit briller plus ardemment.
    — J'avais peur que vous ne veniez pas, sire, dit-elle d'une petite voix enrouée.
    Son pèlerinage dans le froid, à peine vêtue, n'avait pas été sans conséquence : en saisissant la main qui se tendait vers lui au bout d'un fin bras nu, Philippe la trouva brûlante. La lueur des chandelles lui révéla que son épouse frissonnait, quoiqu'enfouie sous les couvertures.
    — Tu as la fièvre, constata-t-il en s'asseyant au bord de la couche. Et c'est ma faute. Pourras-tu jamais me pardonner ?
    La jeune fille eut un sourire faible mais sincère.
    — Je n'ai rien à vous pardonner, sire. Je suis vôtre et vous pouvez user de moi comme il vous plaît.
    Devant tant d'amour et de dévotion, il sentit perler à ses paupières des larmes qu'il refoula par habitude. Une sensation étrange, nouvelle – et qu'il attribua d'abord à l'émotion –, s'empara de lui : on eût dit que quelque chose, un peu de sa force, un peu de son essence même, s'échappait de sa chair pour pénétrer en Isabelle.
    — Tu es bonne, murmura-t-il. Je ne te mérite pas. (Plus haut, il continua :) Il faut guérir, tu m'entends ? À dater de ce jour, tu n'auras plus jamais rien à craindre de moi. Je veux que tu vives.
    — Oh, je vivrai, sire, je guérirai. Votre présence m'est le meilleur des remèdes. Déjà, de vous voir et de sentir ma main dans les vôtres, je vais mieux.
    Il crut qu'elle s'illusionnait ou qu'elle mentait pour lui faire plaisir, mais très vite, il se rendit compte que tel n'était pas le cas : les doigts de son épouse n'étaient plus brûlants, ses lèvres souriantes avaient cessé de trembler. Aussi incroyable que cela parût, la fièvre était tombée.
    Les yeux de Philippe s'écarquillèrent, tandis qu'un souvenir enfoui remontait dans sa mémoire. Des mots entendus alors qu'il était fiévreux, presque inconscient : ceux de l'être mystérieux s'étant interposé entre Lysamour et lui dans la forêt de Cuise. Je l'ai guéri. Il l'eut fait lui-même s'il savait quels pouvoirs sont siens. Bouche bée, soudain haletant, il comprit ce qui venait de se produire.
    — Qu'y a-t-il, sire ? interrogea Isabelle en remarquant son trouble. Est-ce encore moi qui vous cause souci ?
    Elle se redressa d'un coup de reins – ce dont elle eût été incapable quelques secondes plus tôt –, sans se soucier des couvertures qui glissaient le long de sa poitrine menue. Sa main se posa sur la joue de Philippe, caressante.
    Il l'avait guérie. Bien qu'il n'eût pas agi consciemment, il avait souhaité de tout son cœur qu'elle guérît – et le prodige s'était accompli. Pour la première fois, il avait usé des pouvoirs qui résidaient en lui et dont il se demandait toujours s'ils n'étaient pas d'essence diabolique.
    Oh, certes, il y avait eu la cérémonie des écrouelles, juste après son couronnement, mais elle n'avait pas été aussi concluante, aussi indiscutable. Par tradition, le roi ne touchait pas les malades, dont on baignait simplement les plaies à l'aide de l'eau dans laquelle il s'était lavé les mains. Plus tard, on avait fait paraître devant Philippe certains de

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