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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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ces scrofuleux, dont l'affection s'était sans conteste évanouie – mais maints disciples de Galien affirmaient que ces lésions, le plus souvent, disparaissaient d'elles-mêmes ; certains allaient jusqu'à murmurer que c'était justement pour cela qu'on les avait choisies afin de démontrer la capacité des rois français à accomplir des miracles au nom de Dieu. Non, les écrouelles ne prouvaient rien.
    Cela, en revanche…
    Philippe, pour rassurer son épouse, l'attira contre lui et referma les bras autour d'elle.
    — Tu ne me causes aucun souci, se contraignit-il à articuler. Je suis heureux de t'avoir près de moi, voilà tout.
    En lui, la crainte le disputait à l'espoir. Des talents que lui valaient son héritage inhumain, il n'avait rien voulu savoir, décidé à se conduire en simple créature du Tout-Puissant pour que ce dernier jugeât sa dévotion, lui pardonnât une origine dont il n'était pas responsable. Et voilà à présent qu'ils se manifestaient sans son consentement. Voilà que sa véritable nature prenait le dessus. Dieu, sans doute, ne manquerait pas de lui en tenir rigueur.
    Pourtant…
    Pourtant, si le pouvoir venait du Diable, l'usage qu'il venait d'en faire n'avait rien de mauvais. Il n'était pas de jeune fille plus pieuse que celle-là : le Créateur ne pouvait voir d'un mauvais œil qu'on eût sauvé une de ses fidèles servantes.
    À moins que, dans l'impénétrabilité de ses voies, il ne l'eût désignée pour être une martyre.
    Ô Seigneur, que ne m'adresses-tu un signe ? songea Philippe. J'ai tant besoin que tu m'inspires !
    Il se reprocha de n'avoir pas entretenu son père, tant qu'il vivait encore, de ce sujet. Mais le roi Louis, s'il avait pratiqué de telles guérisons, avait dû les attribuer à la grâce divine.
    — Resterez-vous avec moi ce soir, sire ? murmura sa compagne à l'oreille de Philippe.
    La question chassa pour un temps ses préoccupations religieuses. Il prit conscience de la nudité d'Isabelle, de la chaleur qu'elle lui transmettait et, surtout, du désir qu'elle lui inspirait. Au diable ces questions stériles auxquelles il ne pouvait répondre, se dit-il, tout en sachant qu'elles reviendraient le tourmenter périodiquement tant qu'il vivrait. Il prit le visage de son épouse entre ses mains et la regarda dans les yeux.
    — Cesse de m'appeler sire et dis-moi tu, ordonna-t-il. Cette nuit, je ne veux être que ton mari et ton amant.
    Puis il l'embrassa et eut la joie de la sentir répondre à son baiser avec une fougue qu'il ne lui avait jamais connue. Brisant leur étreinte, il se remit debout et se débarrassa d'habits qu'il ne prit pas la peine de plier. Par crainte d'effrayer Isabelle, cependant, il n'ôta sa chemise qu'après s'être glissé dans le lit encore trempé des suées dues à la fièvre.
    Comme la jeune fille tendait le bras vers le candélabre, il arrêta son geste d'une main ferme quoique sans brutalité.
    — Non, dit-il, laisse brûler les chandelles. Tu es si belle que je veux m'emplir les yeux de ton image.
    Ce n'était pas la seule raison pour laquelle il désirait de la lumière, mais l'autre, il ne pouvait l'invoquer. Pudique, Isabelle lui permit néanmoins de tirer les couvertures pour la dévoiler et ne chercha pas à lui dissimuler les portions les plus secrètes de son corps : elle l'aimait ; elle voulait le lui prouver de toutes les manières possibles. Ainsi qu'il l'avait dit, il s'emplit les yeux de son image – celle d'une femme à peine sortie de l'enfance, aux seins naissants, au pubis à peine ombré de blond, mais d'une femme tout de même. Lorsqu'il commença à la caresser, elle se remit à frissonner mais ni la fièvre ni la fraîcheur de la chambre n'y étaient pour rien.
    Les premières fois, elle n'avait pas réagi ainsi : apeurée, voire terrorisée, elle s'était simplement laissé faire. Aujourd'hui, elle le désirait autant que lui la désirait, un changement dû à sa propre attitude, il le comprenait. Le soir où il lui avait ravi son pucelage, il était venu à elle contraint et forcé, poussé par ceux de ses conseillers qui voulaient à toute force que leur mariage fût entériné par la consommation. Lui-même tremblant de peur, celle de revivre le cauchemar de Compiègne, de se révéler encore impuissant, il s'était irrité de n'obtenir qu'à grand peine une érection convenable. Sitôt ce résultat acquis, il s'en était servi tel un soudard, ignorant la douleur de sa partenaire, se

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