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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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résisté bien longtemps.
    Renaud le remercia de cette courtoisie par un ample salut.
    — Vos troupes ne vont pas tarder à se déclarer vaincues, dit-il. Achèverons-nous ce combat avant d'aller vider quelques aiguières de concert, quel que soit le vainqueur ?
    — Voilà, ma foi, une proposition selon mon cœur, et je suis à votre service.
    Sur ces mots, le combat reprit, plus acharné encore, si c'était possible. Attaque, parade, contre-attaque. Non loin de là, les compagnons des deux belligérants – les Français, se sachant perdus, avaient déposé les armes – les observaient d'un œil appréciateur.
    Soudain, la balance pencha en faveur de l'inconnu : sa masse, glissant sur celle de son adversaire, continua sa course descendante et, sans qu'il l'eût voulu, frappa une cuisse vulnérable. Malgré sa jambière de mailles, une douleur atroce envahit Renaud, du genou à la hanche. L'autre ne manqua pas de pousser son avantage : il lui abattit son arme sur le crâne, ce qui l'étourdit à demi.
    Mais à demi seulement. Le jeune homme, voyant la victoire se dérober, sentit monter en lui une rage qui lui permit d'ignorer la souffrance, de lancer une riposte à laquelle le Français s'attendait si peu qu'il s'avéra incapable de la parer. Ce ne fut pas un coup, mais deux, trois, quatre qui l'atteignirent lui aussi à la tête, enfonçant le métal épais de son heaume, le privant de ses forces, voire lui faisant perdre connaissance.
    Une dernière fois, la terrible masse se leva – inutilement, car sa cible basculait sur le côté. Manquant l'homme, elle frappa le cheval qui poussa un hennissement sonore, se cabra et partit au grand galop – le pied de son cavalier coincé dans l'étrier.
    Un instant, Renaud regarda sans réagir son adversaire si chevaleresque qu'entraînait la course folle. Il le vit rebondir deux ou trois fois sur des accidents de terrain, puis se rendit enfin compte de ce que cela signifiait, lâcha son arme et éperonna son propre cheval, déjà conscient qu'il arriverait trop tard.
    Il ne rattrapa le destrier emballé que lorsque ce dernier arriva au bord d'un étang et se cabra à nouveau pour éviter d'entrer dans l'eau. Saisissant les rênes à la volée, il eut toutes les peines du monde à calmer la bête mais y parvint enfin et entreprit alors de mettre pied à terre – tâche ardue en raison de sa jambe meurtrie, presque insensible.
    Ce fut en titubant qu'il s'approcha de son adversaire abattu. La visière du heaume, faussée, ne consentit à s'ouvrir en grinçant qu'au prix de grands efforts.
    Renaud frémit lorsqu'il reconnut celui dont il avait involontairement causé la perte.
    C'était le duc de Bretagne, Geoffroy Plantagenêt.
     
    Geoffroy ne mourut pas sur le coup. Philippe, catastrophé, le fit transporter à Paris et soigner par les meilleurs médecins. Tout leur art, cependant, fut impuissant à empêcher l'infection de s'emparer du corps brisé, à réparer les dégâts des organes internes. Le roi lui-même, surmontant ses scrupules pour l'occasion, tenta de renouveler l'exploit accompli avec la fièvre d'Isabelle, mais il s'aperçut vite que son pouvoir n'était pas assez grand pour soigner ce mal-là : le duc expira au bout de quelques jours, dans la désolation générale.
    On ne pouvait en vouloir à Renaud de Dammartin, les témoins ayant assuré que le combat avait été loyal et que le jeune homme s'était efforcé de porter secours à l'adversaire abattu. Philippe, néanmoins, était heureux que son ami eût repassé presque aussitôt la Manche : durant quelques semaines, il douta de conserver son calme s'il le trouvait en face de lui. Déjà, le soir même du tournoi, il était entré dans une telle colère qu'on avait dû le maîtriser pour l'empêcher de se jeter sur Renaud.
    Geoffroy fut inhumé devant l'autel majeur, dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, dont la nef était encore en construction. Ce furent de superbes funérailles, les plus fastueuses, certainement, qu'on eût vues depuis des décennies.
    — Je vous en conjure, sire, maîtrisez votre chagrin, souffla Robert de Dreux à son neveu pendant la cérémonie, en voyant ses traits crispés, les larmes qui dévalaient ses joues. Ne dirait-on pas que vous vous préparez à sauter vous-même au fond de la fosse pour y rejoindre monseigneur le duc ?
    Mais ce n'était pas seulement de chagrin que pleurait Philippe, c'était aussi et surtout de dépit. Que n'avait-il pas dépensé

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