Le roi d'août
précipités.
Au mépris de la trêve, Renaud avait attaqué une caravane de pèlerins et de marchands musulmans, dont une partie avait été tuée, l'autre capturée. Sollicité par Saladin, Gui avait désavoué l'acte mais sans prendre de mesures contre le coupable, ce qui s'était soldé par une nouvelle guerre à outrance.
Le souverain d’Égypte et de Syrie, rejoint par des hommes venus de toutes les contrées musulmanes, avait pris la ville de Tibériade, puis écrasé à Hattin une armée franque forte de douze mille hommes – que le déplorable Gui n'avait pas su commander. À tous ses prisonniers, dont le roi de Jérusalem en personne, il avait fait grâce de la vie, hormis à Renaud de Châtillon, aux Templiers et aux Hospitaliers, lesquels s'étaient rendus coupables, selon lui, de lâches agressions contre ses coreligionnaires.
Ses troupes avaient ensuite volé de victoire en victoire. Renonçant à assiéger Tyr, que la détermination de son nouveau seigneur, Conrad de Montferrat, rendait presque imprenable, il s'était emparé de nombreuses cités, dans la plupart des cas sans effusion de sang : sa puissance et son prestige étaient tels que les garnisons se rendaient, sûres de leur défaite et confiantes en sa générosité. De fait, ceux qui renonçaient à le combattre se voyaient autorisés à gagner Tyr, parfois nantis d'une escorte pour les protéger des brigands. Plus tard, il ne manquerait pas de Musulmans pour lui reprocher cette bonté excessive qui avait permis aux Francs de se regrouper et de préparer leur contre-attaque.
La reconquête avait culminé avec la prise de Jérusalem, responsable de l'appel lancé par le pape alors que Philippe, Richard et Henri II étaient plongés dans leurs conflits personnels – que, fort heureusement pour Saladin, ils n'avaient pas jugé bon d'interrompre sur-le-champ. Quant à l'empereur, Frédéric Barberousse, il s'était noyé en chemin, et son armée, démoralisée, s'était en grande partie dispersée : une manifestation de plus de la chance insolente qui servait le neveu de Chirkouh ; une bonne raison de plus pour lui de se croire protégé de Dieu.
Au bout du compte, les Francs de Terre Sainte n'étaient plus maîtres que de Tyr, de Tripoli et d'Antioche.
Désormais sûr de sa force, convaincu que si des renforts ennemis arrivaient, ils seraient vaincus comme l'avaient été leurs prédécesseurs, Saladin était allé jusqu'à relâcher ses prisonniers, notamment Gui de Lusignan, auquel il avait fait jurer de ne plus porter les armes contre lui. Grave erreur : Gui, seigneur occidental, estimait normal et juste de reprendre sa parole lorsqu'elle lui manquait, si bien que quelques mois plus tard, à la tête de troupes trop peu nombreuses, il était venu mettre le siège devant Acre, déclenchant une bataille qui allait durer deux ans.
Il n'avait à vrai dire guère le choix – sinon celui de retourner en Europe. Le marquis Conrad de Montferrat, qui se posait en homme providentiel, avait refusé de l'accueillir à Tyr, arguant qu'après le désastre de Hattin, ses droits sur Jérusalem étaient nuls et non avenus – un avis que partageaient bien des Francs. Pour redorer son blason, Gui devait absolument remporter une victoire éclatante.
Il s'en était montré incapable. Les renforts qui lui parvenaient régulièrement d'Europe, les premiers grands seigneurs à avoir entendu l'appel du pape, lui avaient simplement permis de ne pas être écrasé par les Musulmans.
Son camp, d'abord installé sur la colline la plus proche de la ville, qu'on appelait le Toron des Chevaliers, s'était étendu au fur et à mesure que ses troupes grossissaient, jusqu'à former un arc de cercle interdisant l'accès par voie de terre à la péninsule d'Acre. Saladin, de son côté, avait pris possession des éminences environnantes, emprisonnant à son tour les Francs. Des mois durant, ce n'avait été qu'assauts manques – des Croisés contre la ville, de l'armée musulmane contre les Croisés, des Croisés contre l'armée musulmane –, sans que la situation évoluât le moins du monde. La garnison d'Acre tenait bon, d'autant mieux que ses alliés, malgré le blocus maritime établi par l'ennemi, réussissaient périodiquement à la ravitailler, voire à la relever.
Les Francs, eux, souffraient de la faim : dépourvus de ressources terrestres, ils dépendaient pour se nourrir de marchands génois ou pisans qui les exploitaient sans vergogne,
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