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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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Glevum.
    C’est dans ces
années-là que je devins adulte. Je finis par ne plus compter le nombre d’hommes
que je trucidai et le nombre d’anneaux de guerriers que je forgeai. Je reçus un
surnom, Cadarn, qui signifie « le puissant ». Derfel Cadarn, sobre
dans la bataille et redoutable dans le maniement de l’épée. Le jour venu,
Arthur m’invita à rejoindre sa cavalerie, mais je préférai rester sur la terre
ferme et demeurai lancier. Je l’observai en ce temps-là et commençai à mesurer
à quel point il était un grand soldat. Ce n’était pas simplement sa bravoure,
bien qu’il fût brave, mais il dupait ses ennemis. Nos armées étaient des
instruments pesants : elles marchaient lentement et elles changeaient de
direction avec peine une fois qu’elles étaient en marche, mais Arthur forgea
une petite force qui apprit à se déplacer rapidement. Il conduisait ces hommes,
les uns à pied, les autres en selle, dans de longues marches qui contournaient
les flancs de l’ennemi, si bien qu’ils apparaissaient toujours  où on
les  attendait le moins. Nous aimions attaquer à l’aube, lorsque l’ennemi
était encore hébété par les beuveries de la nuit ; ou alors, nous le bernions
par de fausses retraites avant de nous abattre sur ses flancs demeurés sans
protection. Après un an de batailles de ce genre, lorsque nous eûmes enfin
chassé Gorfyddyd et Gundleus de Glevum et du nord de la Dumnonie, Arthur fit de
moi un capitaine et je commençai moi aussi à distribuer de l’or à mes hommes.
Deux ans plus tard, je reçus même l’ultime accolade du guerrier, une invitation
à passer à l’ennemi. Elle me vint de Ligessac en personne, le commandant félon
de la garde de Norwenna, qui m’adressa la parole dans un temple de Mithra, où
sa vie était protégée, et il m’offrit une fortune si je suivais son exemple et
servais Gundleus. Je refusai. Grâce à Dieu, je demeurai toujours fidèle à
Arthur.
    Sagramor
aussi, et c’est lui qui m’initia au service de Mithra, ce Dieu que les Romains
avaient introduit en Bretagne et qui avait dû se plaire sous nos climats parce
qu’il était encore tout-puissant. C’est le Dieu des Soldats, et aucune femme ne
saurait être initiée à ses mystères. Mon initiation eut lieu à la fin de
l’hiver, lorsque les soldats ont du temps libre. Cela se passa dans les
collines. Sagramor me conduisit seul dans une vallée si encaissée qu’en fin
d’après-midi l’herbe était encore toute craquante du gel matinal. Nous nous
arrêtâmes à l’entrée d’une grotte, où Sagramor me pria de mettre mes armes de
côté et de me dénuder. J’étais là, grelottant, lorsque le Numide me noua un
linge épais sur les yeux et me dit que je devais maintenant obéir à chaque
consigne et que si je flanchais ou parlais une fois, juste une fois, on me
reconduirait à mes habits et à mes armes pour me renvoyer.
    L’initiation
consiste en une agression contre les sens de l’homme et qui veut y survivre
doit se rappeler une seule chose : obéir. Voilà pourquoi les soldats
aiment Mithra. La bataille assaille les sens, et l’attaque fait fermenter la
peur, et l’obéissance est ce mince fil qui arrache au chaos de la peur et
promet la survie. Par la suite j’ai initié nombre de mes hommes à Mithra et
j’ai fini par connaître assez bien les trucs, mais cette première fois, lorsque
j’entrai dans la grotte, je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait. Lorsque
je pénétrai pour la première fois dans l’antre du Dieu, Sagramor, ou peut-être
un autre homme, me fit tourner dans le sens du soleil, si vite et si rudement
que j’en fus tout étourdi, puis je reçus l’ordre d’avancer. Suffoqué par la
fumée, je continuai néanmoins d’avancer, suivant la pente descendante du
rocher. Une voix me cria de m’arrêter, une autre m’ordonna de tourner, une
troisième de m’agenouiller. On me fourra je ne sais quoi dans la bouche, et je
reculai devant la puanteur des excréments humains qui me faisaient tourner la
tête. « Bouffe ! » ordonna une voix et je faillis vomir la
bouchée jusqu’à ce que j’eus compris que je mâchonnais du poisson séché. Je bus
quelque infâme breuvage qui me fit tourner la tête. Probablement était-ce du
jus d’aubépine mélangé à de la mandragore ou à des tue-mouches, car alors même
que j’avais encore les yeux bandés, j’eus la vision de créatures brillantes aux
ailes chiffonnées qui me

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