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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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tout
au moins pour elle, pareille à un grand sol carrelé où chaque carreau pris
isolément pouvait bien être insignifiant mais, s’ajoutant aux autres, faisait partie
d’un ensemble compliqué et lourd de sens. Mais elle s’intéressa surtout à
Merlin et au rouleau qu’il avait arraché à la bibliothèque condamnée de Ban.
« Tu ne l’as pas lu ?
    — Non.
    — Je le
lirai », promit-elle avec ardeur.
    J’hésitai un
instant, puis lui livrai le fond de ma pensée. « Je pensais que Merlin
viendrait te chercher dans l’île. » Je risquais de l’offenser doublement,
d’abord en critiquant implicitement Merlin, puis en abordant le seul sujet dont
elle n’avait pas parlé, l’Ile des Morts, mais elle ne parut pas s’en émouvoir.
    « Merlin
pensait que je saurais m’en tirer par moi-même, dit-elle avant de sourire. Et
puis il sait que je t’ai. »
    Il faisait
nuit maintenant et le ruisseau se ridait de reflets argentés sous la lune de
Lughnasa. Il y avait quantité de questions que je voulais lui poser, mais je
n’osais pas, et soudain elle entreprit d’y répondre quand même. Elle parla de
l’île, ou plutôt elle raconta comment une infime partie de son âme avait
toujours eu conscience de ses horreurs alors même que le reste de sa personne
s’était abandonné à sa perte. « Je croyais que la folie serait comme la
mort, et je ne savais pas qu’il y avait une autre solution que la folie, mais
tu le sais. Tu le sais vraiment. Comme si tu t’observais et que tu ne pusses
t’en empêcher. Tu renonces à toi-même », dit-elle, et je vis son œil
s’embuer de larmes.
    « Non !
fis-je, me refusant soudain à en savoir davantage.
    — Et
parfois, poursuivit-elle, je m’asseyais sur mon rocher pour regarder la mer, et
je savais que j’étais saine d’esprit et je me demandais quelle était la
finalité de tout cela, puis je sus qu’il me fallait être folle parce que, si je
ne l’étais pas, tout cela n’avait aucun sens.
    — Tout
cela n’avait aucun sens, dis-je avec humeur.
    — Oh
Derfel, cher Derfel. Ton esprit est comme une pierre qui tombe d’une
falaise. » Elle sourit. « C’est le même dessein qui a conduit Merlin
à trouver le rouleau de Caleddin, Ne comprends-tu pas ? Les Dieux se
jouent de nous, mais si nous nous ouvrons nous pouvons être partie prenante à
ce jeu au lieu d’en être les victimes. La folie répond à un dessein !
C’est un don des Dieux et comme tous leurs dons il a son prix, mais je l’ai
payé maintenant. » Elle parlait avec passion, mais je sentis soudain un
bâillement menacer et fis tout mon possible pour le réprimer. Je tâchai de le
dissimuler, mais elle s’en aperçut. « Tu as besoin de sommeil.
    — Non,
protestai-je.
    — As-tu
dormi la nuit dernière ?
    — Un
peu. » Assis à la porte de la cabane, j’avais sommeillé par à-coups
en écoutant les souris grignoter la toiture de chaume.
    « Alors
va au lit, maintenant, dit-elle d’un ton ferme, et laisse-moi réfléchir. »
    J’étais si
fatigué que je n’avais plus la force de me dévêtir, mais je m’allongeai enfin sur
le lit de fougères où je dormis d’un sommeil de plomb. Ce fut un long sommeil,
un sommeil profond, comme le repos qui vient quand on est en sécurité après la
bataille, lorsque l’âme est enfin débarrassée du mauvais sommeil entrecoupé de
cauchemars peuplés de lances et de coups d’épée auxquels on a échappé de
justesse. Je dormis donc et, dans la nuit, Nimue vint vers moi et je crus
d’abord à un rêve, puis je me réveillai en sursaut et trouvai sa peau nue et
glacée tout près de moi. « Tout va bien, Derfel, chuchota-t-elle,
dors », et je me rendormis, serrant dans mes bras son corps décharné.
    On se réveilla
à l’aube. L’aube parfaite de Lughnasa. J’ai connu des moments de pur bonheur
dans ma vie, et c’en fut un. Il est des fois, j’imagine, où l’amour est en phase
avec la vie ; où peut-être est-ce que les Dieux veulent nous rendre fous,
et il n’est rien de si doux que la folie de Lughnasa. Le soleil brillait, sa
lumière filtrant à travers les fleurs de la charmille où nous faisions
l’amour ; après quoi nous jouâmes comme des enfants dans le ruisseau, où
j’imitais la loutre pour ressortir, suffoquant, et retrouver Nimue hilare. Un
martin-pêcheur courait entre les saules, aussi coloré qu’un manteau dans les
rêves. De toute la journée, nous ne vîmes que deux cavaliers

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