Le Roi de l'hiver
casque avec de grandes
pièces de métal qui couvraient les joues et dissimulaient ses traits. Son
casque, avec ses fentes pour les yeux et un trou noir pour la bouche, était en
fer poli décoré de tourbillons d’argent et surmonté d’un panache de plumes
d’oie. Ce casque pâle avait quelque chose de mortel et de redoutable, sa forme
de crâne suggérant que celui qui le portait était un spectre ambulant. Son
manteau, comme son panache, était blanc et il veillait à sa propreté avec un
soin jaloux. Attaché à ses épaules, il protégeait du soleil sa cotte de
mailles. Je n’avais encore jamais vu d’armure à écailles, même si Hywel m’en
avait parlé, et en voyant Arthur, je fus pris d’un désir irrépressible d’en
posséder une. C’était une cuirasse romaine faite de centaines de plaques de
fer, pas plus grosses que l’extrémité du pouce, cousues en rangées superposées
sur une veste de cuir qui allait jusqu’aux genoux. Les plaques étaient carrées
au sommet, où l’on avait percé deux trous pour laisser passer le fil, et
pointues à la base. Les écailles se chevauchaient de telle sorte que la pointe
de la lance ennemie se heurterait toujours à au moins deux couches de fer avant
de frapper le cuir renforcé. Quand Arthur bougeait, la cuirasse tintinnabulait,
et ce n’était pas uniquement le bruit du fer parce que ses forgerons avaient
ajouté une rangée de plaques d’or autour du cou et parsemé le fer poli
d’écaillés d’argent si bien que la cotte tout entière semblait scintiller.
Chaque jour, il fallait des heures de polissage pour empêcher le fer de
rouiller, et, après chaque bataille, il manquait quelques plaques qu’il fallait
forger à nouveau. Rares étaient les forgerons capables de faire une pareille
cotte, et plus rares encore les hommes qui pouvaient en acheter une, mais
Arthur l’avait prise à un chef franc qu’il avait tué en Armorique. Outre le
casque, le manteau et l’armure à écailles, il portait des bottes de cuir, des
gants de cuir et une ceinture de cuir à laquelle il avait suspendu Excalibur
dans son fourreau brettelé en croix censé protéger celui qui le portait de tout
malheur.
À mes yeux
éblouis par sa venue, il fit l’effet d’un Dieu blanc, resplendissant, descendu
sur terre. Je ne pouvais détacher mes yeux de lui.
Il embrassa
Owain et j’entendis les deux hommes rire. Owain était un grand gaillard, mais
Arthur pouvait le regarder droit dans les yeux, bien qu’il ne fût en aucune
façon aussi solidement charpenté qu’Owain. Celui-ci n’était qu’une masse de
muscles, tandis qu’Arthur était un homme maigre et filiforme. Owain lui donna
une grande tape dans le dos, à laquelle Arthur répondit par le même geste
affectueux, puis, se tenant par l’épaule, les deux hommes se dirigèrent vers
l’endroit où Ralla s’occupait de Mordred.
Arthur tomba à
genoux devant son roi et, avec une surprenante délicatesse pour un homme vêtu
d’une armure aussi raide et pesante, il leva une main gantée pour prendre
l’ourlet de la robe du bébé. Il écarta les couvre-joues de son casque pour
baiser la robe. Mordred réagit en hurlant et en se débattant.
Arthur se leva
et tendit les bras vers Morgane. Elle était plus âgée que son frère, qui
n’avait encore que vingt-cinq ou vingt-six ans, mais, lorsqu’il se proposa de
l’embrasser, elle se mit à pleurer derrière son masque d’or qui résonna
discrètement contre le casque d’Arthur quand ils se serrèrent dans les bras
l’un de l’autre. Il la serrait sur son cœur en lui tapotant le dos.
« Chère
Morgane, l’entendis-je chuchoter, chère et douce Morgane. »
Je n’avais
jamais compris à quel point Morgane était seule avant de la voir pleurer dans
les bras de son frère.
Il se dégagea
doucement de son étreinte puis se servit de ses deux mains gantées pour retirer
son casque gris-argent de sa tête.
« J’ai un
cadeau pour toi, dit-il à Morgane. Du moins je crois, ou alors Hygwydd me
l’aura volé. Où es-tu, Hygwydd ? »
Le serviteur
s’avança et reçut le casque au panache blanc en échange d’un collier de dents
d’ours serties dans des alvéoles en or montées sur une chaîne d’or qu’Arthur
passa au cou de sa sœur. « Une belle chose pour ma charmante sœur »,
dit-il. Puis il voulut à tout prix savoir qui était Ralla, et lorsqu’il sut la
mort du bébé, son visage montra tant de peine et de sympathie que Ralla fondit
en
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