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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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lui tombait jusqu’aux pieds. Son visage
était d’une pâleur de cire, et ses yeux, lourdement bistrés avaient une étrange
mobilité d’animal traqué. Elle était soutenue par deux assistants qui
l’entraînèrent presque à bout de bras vers une sorte de trépied, et
l’installèrent à l’intérieur d’un chaudron.
    Ils ouvrirent ensuite, avec de
grandes difficultés, une trappe de pierre dans le sol, d’où l’on put découvrir
la bouche de l’abîme qui commença à exhaler une fumée à l’odeur pestilentielle.
    « C’est le chasma ghes »,
dit le prêtre d’une voix tremblante. Il était facile de deviner qu’il ne jouait
pas la comédie et qu’il était épouvanté. « C’est la source de la nuit, la
dernière bouche du chaos primitif. Personne ne sait où il finit et personne
n’en est jamais revenu. » Il ramassa un caillou sur le sol rocheux de la
caverne et le jeta à travers l’ouverture. Il n’y eut aucun bruit.
    « Le dieu va pénétrer le corps
de la Pythie, l’envahir de sa présence. Regarde. »
    La voyante respirait en haletant
péniblement la fumée qui s’échappait du gouffre ; elle se contorsionnait,
en proie à des spasmes violents, à l’intérieur du chaudron, laissant pendre ses
jambes et ses bras inertes, montrant le blanc de ses yeux. Puis elle sursauta
douloureusement et émit une sorte de râle, de plus en plus aigu, qui finit par
imiter le sifflement des serpents. L’un des assistants lui posa une main sur la
poitrine et lança au prêtre un signe d’entente.
    « Tu peux interroger le dieu,
roi Philippe. Maintenant, Apollon est présent », dit le prêtre d’une voix
docile.
    Philippe s’avança jusqu’à toucher la
main de la Pythie.
    « O dieu, un rituel solennel se
prépare dans ma maison et je m’apprête à venger l’outrage que les barbares ont
jadis fait aux temples des dieux de notre terre. Mais mon cœur est opprimé et
mes nuits sont assombries par des cauchemars. Quelle est la réponse à mon
inquiétude ? »
    La Pythie produisit un long
gémissement, puis elle se leva lentement en posant les mains sur le bord du
chaudron. Elle commença alors à parler, d’une étrange voix métallique et
frémissante :
    Voici le taureau couronné : la
fin est proche ; le sacrificateur est prêt.
    Après quoi elle s’effondra, aussi
inerte qu’un corps sans vie. Philippe l’examina un moment en silence, puis il
regagna l’escalier et disparut dans le pâle rayon qui tombait du plafond.
     

35
    L’homme arriva au galop en pleine nuit, sauta à terre devant le corps
de garde et confia sa monture écumante de sueur à l’un de ses
« écuyers ».
    Eumène, qui ne dormait que d’un œil,
bondit hors de son lit, enfila un manteau, prit une lanterne et dévala
l’escalier pour aller à sa rencontre.
    « Approche », lui
ordonna-t-il dès qu’il le vit entrer sous le portique. Puis il le précéda en
direction de l’armurerie. « Où est le roi à l’heure qu’il est ?
demanda-t-il tandis que l’homme le suivait, encore essoufflé.
    — À un jour de marche, pas plus.
J’ai perdu du temps pour la raison que tu connais.
    — Bon, bon, interrompit Eumène
en ouvrant à l’aide d’une clef la petite porte ferrée. Entre. Ici, nous serons
tranquilles. »
    La pièce était grande et nue ;
on y entreposait les armes à réparer. Sur un côté, deux ou trois tabourets
étaient disposés autour d’une enclume. Eumène en apporta un à son compagnon et
s’assit à son tour.
    « Qu’es-tu parvenu à
savoir ?
    — Cela a été difficile et
coûteux. J’ai dû corrompre l’un des assistants qui ont accès à l’adyton.
    — Et alors ?
    — Le roi Philippe est arrivé à
l’improviste, presque en cachette, et il a pris place parmi les autres
postulants jusqu’à ce qu’on le reconnaisse et qu’on le fasse entrer dans le
sanctuaire. Quand ils ont compris qu’il voulait interroger l’oracle, les
prêtres ont essayé de connaître sa question pour préparer une réponse
convenable.
    — C’est une pratique normale.
    — En effet. Mais le roi s’y est
refusé. Il a voulu consulter directement la Pythie et a exigé d’être conduit
dans l’adyton. »
    Eumène se couvrit le visage de ses
mains. « Oh ! grand Zeus !
    — Le prêtre qui officiait ce
jour-là n’a pas même eu le temps d’en informer le conseil. Il a bien été obligé
d’accéder à sa requête. Philippe a ordonné qu’on le conduise dans

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