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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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s’était comporté à
l’égard de Cleitos, à Zadrakarta, quand celui-ci s’était permis de critiquer sa
façon de s’habiller. Tout le monde mesurait les efforts que coûtait le convoi
des concubines, des domestiques et des eunuques, qui, de plus, ralentissait
inutilement la marche. Tout le monde était au courant des frictions qui
opposaient les troupes macédoniennes et perses, de l’intolérance dont elles
faisaient preuve l’une envers l’autre.
    Alexandre dévisagea ses compagnons
en guettant dans leur regard une lueur d’amitié ou de compréhension, mais ils
détournèrent tous les yeux comme s’ils avaient honte désormais de lui
manifester l’amitié qui les avait liés à lui pendant de nombreuses années.
    « Je ne vous trouve pas très
enthousiastes, observa-t-il sur un ton volontairement familier. Avez-vous
quelque chose à me reprocher ? Vous ai-je déçus ? Allez,
parlez ! »
    Héphestion prit la parole :
« Ils n’ont pas le courage de te dire qu’ils ont peur. Regarde-les !
La richesse et l’espoir d’une vie agréable ne suscitent en eux que la
peur ; ils te critiquent parce qu’ils trouvent que tu portes des vêtements
trop luxueux, que tu t’accompagnes de soldats perses et de jeunes filles, mais
ils aimeraient t’imiter, si possible dans un beau palais situé entre ce haut
plateau et la côte phénicienne. Ils ont oublié la promesse qu’ils t’ont faite
de te suivre jusqu’au bout du monde s’il le fallait. N’en est-il pas ainsi, les
garçons ? Hein ? Allez, dites quelque chose, avez-vous perdu votre
langue ?
    — Arrête, Héphestion, intervint
Cratère. Je suis prêt à donner ma vie pour le roi, tout comme mes compagnons.
Il ne s’agit pas de vêtements ou de concubines : les hommes ont seulement
besoin de savoir quand cette guerre prendra fin. Ils ont besoin de savoir où se
trouve la ligne d’arrivée, et combien de temps il faudra pour l’atteindre. Ils
ne peuvent se contenter d’apprendre au dernier moment, jour après jour, qu’ils
devront affronter une nouvelle étape, puis une autre encore. Vers le
nord ? Non, vers le sud, ou peut-être vers l’ouest… Ils ont besoin de te
retrouver, Alexandre, de savoir que tu es toujours leur roi. Ils sont prêts à
te suivre, mais ils ne peuvent plus continuer de vivre dans l’incertitude, de
voir les jours s’écouler sans aucun espoir, sans aucune assurance. »
    D’un signe de la tête, Alexandre
sembla prendre acte d’une situation qui lui aurait paru inimaginable un mois
plus tôt. Héphestion rétorqua : « Mais vous, que dites-vous à vos
hommes ? Allez, Philotas, que dis-tu à tes hétairoï, toi qui es maintenant
le commandant en chef de toute la cavalerie ? Affirmes-tu encore
qu’Alexandre n’aurait pu parvenir à un tel résultat sans ta contribution et
celle de ton père ? Qu’il est devenu une chiffe molle ? Que sa seule
préoccupation, désormais, est d’assister chaque soir au défilé de ses
concubines nues afin de choisir celle qui se consacrera à son engin ?
Qu’il ne travaille plus, qu’il ne se préoccupe plus de ses hommes ni de leur
destin ?
    — Tu mens ! s’écria
Philotas hors de lui. Je n’ai jamais rien dit de pareil !
    — C’est possible, répliqua
Héphestion. Mais ce sont les bruits qui circulent et qui circulaient déjà en
Cilicie après la bataille d’Issos, et en Égypte après notre retour de l’oasis
d’Ammon.
    — Des calomnies ! Des
mensonges ! Prouve donc ce que tu dis, si tu en as le courage. J’ai appris
hier que mon frère Nicanor a été blessé par une flèche lors d’une patrouille
dans les montagnes hyrcaniennes, et qu’aucun médecin n’est encore parvenu à le
guérir. L’un de vous a-t-il pris la peine de demander de ses nouvelles ?
De penser à mon père, qui a déjà perdu son plus jeune fils, et qui va peut-être
en perdre un autre ? Ai-je peut-être demandé à retourner à Zadrakarta pour
veiller sur lui ?
    — Tu es le commandant en chef
de la cavalerie, et cette charge est si importante, à tes yeux, qu’elle
l’emporte sur le pauvre Nicanor », rétorqua Héphestion d’une voix sarcastique.
    Philotas se jeta sur lui, mais
Ptolémée s’interposa et l’arrêta à temps. Plongeant les yeux dans ceux
d’Héphestion, il s’écria :
    « Arrête ! Il est injuste
de s’adresser à Philotas en ces termes. Nicanor agonise, un courrier vient de
me l’apprendre. À l’heure qu’il est, il pourrait

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