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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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mandchou, alors même que je l’avais quitté, aura été pour moi une cruelle épreuve. Mais j’en connais aussi les raisons. Nous en avons abondamment parlé !
    —  Et dire que si vous n’aviez pas été là, je serais encore au service de Daoguang, manipulé par un eunuque malfaisant !
    —  Un père se doit d’aider son fils à éclairer sa lanterne…
    —  Je vous en serai éternellement reconnaissant, ô mon père bien-aimé, murmura Tang, chamboulé des pieds à la tête.
    Il se revoyait enfant, à l’époque où Prospérité Singulière lui apprenait à lire et à calligraphier, alors même que la figure de celui qu’il croyait être son père, de plus en plus évanescente, s’estompait peu à peu derrière celle de son vénérable maître. Il comprenait mieux certains de ses gestes, lorsqu’il s’occupait de lui. Seul le lien paternel pouvait expliquer son infinie patience ainsi que ses paroles encourageantes et affectueuses lorsqu’il lui tenait la main pour guider le mouvement du pinceau ou qu’il lui expliquait la façon de versifier des grands poètes Tang et Song, ou encore qu’il lui citait le nom de chaque plante de son jardin. Il se souvenait en particulier de ce matin calme et serein où Prospérité Singulière lui avait montré comment les grands collectionneurs apposaient leur sceau au regard d’une peinture ou d’un poème.
    Seul un père pouvait agir ainsi !
    —  A présent que je t’ai dit qui tu étais, il me reste à faire le plus important, poursuivit le vieil homme à voix basse.
    Tang, quelque peu incrédule, se demandait quel autre genre de confidence l’attendait.
    —  Peux-tu aller chercher la petite boîte en osier qui est posée sur ma table de travail, s’il te plaît   ?
    Tang s’exécuta.
    —  Prends la pochette de soie violette qui est dedans, ordonna le vieux maître quand il lui tendit la boîte.
    Tang connaissait bien ce type de pochette qu’utilisaient les prêtres taoïstes pour y ranger leurs talismans et autres amulettes.
    —  Ce qui est à l’intérieur est pour toi ! ajouta le vieil homme.
    Dans la paume de Tang apparut une drôle de monnaie en argent dépourvue de trou central. Sur ses deux faces, une ligne verticale croisait une ligne horizontale.
    —  Je ne connais pas ce mot ! souffla-t-il.
    —  C’est bien plus qu’un mot !
    —  Qu’est-ce à dire   ?
    Le vieil homme, d’ordinaire parfaitement maître de lui, se mit à pleurer à chaudes larmes. Tang ne l’avait jamais vu dans cet état, submergé par une vague d’émotion qui semblait l’avoir réduit en miettes.
    —  Cet objet me fut donné par un prêtre du temple de la Dévotion de Kunming. Son nom est Luang Fudong et, grâce à lui, je fus sauvé ! réussit à articuler le vieillard.
    —  Comment une simple monnaie d’argent qui n’a pas été dépensée peut-elle sauver la vie d’un homme   ?
    —  Tu n’as pas tort de parler de monnaie : cet objet minuscule mais d’une valeur inestimable donne accès à la plus belle merveille du monde. Lorsqu’il me fut remis par ce prêtre, j’ignorais totalement ce qu’il m’apporterait…
    —  Qu’est-ce à dire   ? fît Tang qui ne voyait pas où son père voulait en venir.
    —  C’est une histoire merveilleuse…
    —  J’ai hâte de la connaître, vous m’avez mis l’eau à la bouche !
    Le vieil homme, qui avait soif, lui tendit son bol à thé d’un air las.
    —  Avant que je commence, pourrais-tu m’apporter encore un peu de thé, s’il te plaît, ô mon cher fils   ? Ma gorge sèche rend difficile mon élocution…
    —  Avec plaisir ! J’y cours de ce pas ! s’écria Tang avant de s’élancer vers l’office comme une flèche.
    Lorsqu’il revint auprès du vieil homme, brûlant de connaître le fin mot de cette belle histoire, il constata que sa tête, parfaitement immobile, penchait un peu de côté. Inquiet, il lui toucha l’épaule, d’abord tout doucement puis de plus en plus fort. Devant son absence de réaction, il se pencha vers son visage et poussa un cri. Les yeux de Prospérité Singulière étaient clos, au milieu de son visage calme et figé dans un mystérieux sourire.
    Il avait l’air en paix avec lui-même et déjà si loin de son jardin…
    Soudain, la carpe fit un saut et retomba en vrille du côté faste, juste avant le beau nuage de gouttelettes qu’elle avait arraché à la mare au moment où sa queue l’avait propulsée dans les airs. Tang

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