Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
Vom Netzwerk:
bébé et l’appuya contre elle afin de lui faire expulser un rot en lui donnant de petites tapes dans le dos. Adam hoqueta à plusieurs reprises en dodelinant de la tête.
    — Juste à temps, il va avoir terminé son premier repas, dit Jehanne qui avait oublié de relacer son vêtement.
    Le bébé éructa et grogna de satisfaction.
    — Si petit et déjà si fin gastronome, dit Lionel en riant… Dites-moi, maître, est-ce que quelque chose vous embête ?
    — Non, non, ça va.
    — Hum, permettez-moi d’en douter. Est-ce que je me trompe ou vous vous sentez plutôt empêtré dans votre nouveau statut ?
    — C’est cela, je crois, intervint Jehanne. Figurez-vous qu’il refuse de se faire appeler Père.
    — Accordez au moins à ce petiot le temps de s’initier aux gazouillis et aux bulles de salive. N’empêche que le titre de père n’est pas infamant à porter, mon fils.
    Louis s’avança en direction du bénédictin, qui n’osa pas trop reculer de peur d’attirer l’attention des autres. Jehanne intervint :
    — Il veut qu’il l’appelle par son nom. C’est cela qu’il a dit.
    — Voilà qui n’est pas dénué d’une certaine sagesse. Car il est écrit : « Je t’ai appelé par ton nom, tu es à moi (55) . »
    — Ne me poussez pas encore à bout, moine, prévint Louis, tout bas.
    — Alors, papa, vous venez boire un coup avec nous, oui ou non ? demanda Hubert en poussant dans la main de Louis un gobelet de vin et en l’entraînant de force dans la grande pièce.
    Beaucoup plus tard dans la nuit, alors que tout le monde était monté se coucher depuis quelques heures, Louis retourna seul à la chambre. Il était encore tout habillé.
    Jehanne somnolait, à demi découverte et les cheveux épars, son petit emmailloté niché contre elle. La présence du bougeoir dérangea le bébé, qui ouvrit ses grands yeux sombres. Il avait trouvé le moyen d’extraire l’une de ses mains de sa prison d’étoffe. Louis posa sa chandelle sur la table de chevet et se pencha au-dessus de sa femme pour glisser un index timide dans la paume toute neuve de l’enfant. Adam s’en empara immédiatement et parut disposé à le garder le reste de la nuit. Le bourreau n’osa plus bouger. Un rictus nerveux aux lèvres, il se mit à trembler sous l’emprise de la petite main rose.
    — Louis, appela une voix ensommeillée.
    Une autre main se posa sur son bras. Jehanne, réveillée à son tour, s’était tournée vers lui. Elle vit ce qu’il était en train de faire et lui sourit. Doucement, il parvint à extirper son doigt de la menotte soyeuse qui se mit à battre l’air sans conviction. Jehanne crut que Louis avait un peu trop bu. Le regard de l’homme, qui avait brièvement cillé au contact de la main d’Adam, redevint dur. Il dit :
    — Thierry s’en vient. Je l’emmène cette nuit.
    — Quoi ? Mais où ça ?
    Alertée, Jehanne s’assit dans le lit.
    — En ville. Mais d’abord au moine, qui va l’ondoyer*. Il n’y aura pas de baptême demain (56) . Il sera pris en charge par une nourrice que je lui ai trouvée. Plus tard, il sera confié à l’abbaye aux Hommes de Caen. Quant à vous…
    Un Thierry blême et silencieux apparut sur le pas de la porte. Louis tourna la tête vers lui et lui fit signe d’entrer. Thierry dit :
    — On dirait que c’est mon destin d’emmener dans la nuit des bébés naissants. Je l’ai fait avec vous jadis, ma petite dame.
    Louis intervint :
    — Pas un mot de plus, Thierry. Tu lui rends les choses plus difficiles pour rien. Contente-toi de faire ce pour quoi je t’ai appelé. Quant à vous, je vais vous répudier. Après vos relevailles, vous serez formellement accusée d’adultère.
    — Non ! NON ! cria Jehanne aux deux hommes qui approchaient de chaque côté du lit.
    Sans un autre regard pour l’enfant, Louis plaqua une main sur la bouche de sa femme. Jehanne avait à peine la force de se débattre tandis que l’autre main rude de Louis repoussait son col brodé afin d’exposer sa gorge. Son tatouage devint lui aussi apparent. Louis fit mine de ne pas le voir. La main de Jehanne se referma sur le poignet de Louis. Il ne s’en soucia pas. Il appuya fermement en deux points précis et abaissa les yeux sur elle. Jehanne lui serrait toujours le poignet et le suppliait de son regard mouillé de pluie. Sa main se desserra et ses yeux se fermèrent. Il la recoucha doucement, sans toutefois relâcher la pression qu’il exerçait

Weitere Kostenlose Bücher