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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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sur ses artères carotides.
    — Vite, emporte-le, dit-il en se retournant vers Thierry.
    Le domestique s’avança à son tour et souleva le bébé, qu’il enveloppa gauchement dans une deuxième couverture. Pendant ce temps, Louis entreprit de bâillonner sa femme avant qu’elle ne reprît conscience. Il lui attacha bras et jambes en se servant des colonnes du lit et rejeta les couvertures sur la silhouette étoilée.
    Mais Thierry ne put sortir. Quelqu’un lui bloquait le passage.
    — Louis, attends, dit une voix.
    L’interpellé fit volte-face.
    — Plaît-il ?
    C’était Lionel qui, confus de ses propres privautés, baissa les yeux. Il était aussi blême que Thierry.
    — Je voulais dire… maître. Oh… non !
    Il venait d’apercevoir Jehanne qui s’était réveillée et se débattait faiblement en geignant tout bas. Louis vint se planter devant le moine et lui boucha la vue.
    — On va justement avoir besoin de vos services. En attendant, qu’est-ce que vous voulez ?
    — Un mot, je vous prie ? balbutia l’aumônier.
    — Avec vous, ce n’est jamais un mot. Mais, bon, allez-y, je vous écoute.
    — Qu’êtes-vous en train de faire là ? Jamais auparavant vous n’avez fait de mal à un enfant.
    — Quel mal ? Je n’y touche même pas.
    — C’est faux, mon fils. Vous vous apprêtez à séparer cet enfant de sa mère.
    — Et alors ? Ça n’a jamais tué personne, que je sache. Il ne manquera de rien et sera bien traité. Quant à elle… ce qu’il en adviendra n’est plus de mon ressort.
    Lionel ferma les yeux, déglutit et poussa un profond soupir.
    — C’est tout ? demanda Louis.
    — Dans les fables, le héros finit toujours par pourfendre le dragon et le mage rompt le charme, permettant à l’ogre de redevenir un homme. Mais moi, je ne me sens pas l’étoffe d’un héros ni celle d’un mage. Je ne suis qu’un vieux moine couard. Non, pas même un moine.
    — Il me semblait aussi que ça ne pouvait être tout. Et je suppose que l’ogre, le dragon, la manticore*, le corbeau ou tout ce que vous voudrez, c’est moi. D’accord. Mais vous n’êtes sûrement pas venu ici me déranger en pleine nuit pour me raconter des fables. Hein ?
    Lionel rouvrit les yeux. Cette fois, Louis put lire une détermination nouvelle sur ses traits tirés.
    — Hélas, non. Pas de fable, ni de héros ni de mage. Je ne suis que celui qui est venu soigner. Et, vous le savez mieux que moi, celui qui peut soigner peut également tuer.
    — Tiens ! tiens ! des menaces, maintenant ! Qu’est-ce que c’est encore que ce ramassis de sottises ?
    — Ce ne sont pas des sottises. On n’a parfois besoin que d’un mot, d’un seul, pour briser un homme.
    — Bon, ça suffit.
    Louis tira le moine par le bras et l’entraîna jusque devant Thierry, qui s’avançait vers eux. Le géant alla se tenir derrière le bénédictin et lui posa sa dague contre les côtes.
    — Ondoyez ce petit bâtard au plus vite, qu’on en finisse. Thierry, de l’eau !
    Le domestique posa doucement le petit sur le coffre. Louis en approcha Lionel. Il le força à s’agenouiller auprès d’Adam et se tint derrière lui. Intéressé par toute cette activité, le bébé regardait partout autour de lui et agitait sa petite main libre. Soudain, il aperçut la personne qui se penchait juste au-dessus de lui. Ses prunelles sombres happèrent Lionel et cherchèrent à l’entraîner dans les abysses de son passé.
    — Non… petit Adam, pas ça. Arrête.
    — Arrêter quoi ? demanda Thierry qui rapportait un petit bol dans lequel il avait versé de l’eau fraîche.
    — Où est Louis ? lui demanda soudain l’aumônier.
    — Je suis là, derrière, dit le bourreau. Dépêchez-vous.
    Il avait renoncé à relever le fait que le moine l’avait, pour la seconde fois, appelé par son prénom, un privilège dont seule Jehanne avait pu bénéficier. Car Louis estimait que trop de familiarité engendre le mépris.
    Lionel dit :
    — Avant d’accéder à votre requête, j’ai une faveur à vous demander. Cela ne prendra qu’un instant.
    Louis leva les yeux au plafond.
    — Quoi, encore ?
    — J’ai une lettre en ma possession. Une lettre du père abbé, que j’ai rapportée avec moi à mon retour de Paris et que je dois vous lire.
    — Bon sang, vous n’auriez pas pu y penser plus tôt ?
    — Je crains bien que non.
    L’homme en noir empoigna le religieux par son capuce et le mit debout avant de

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