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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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envie de faire pipi.
    Louis s’approcha avec son regard qui le transperçait d’une façon si insoutenable qu’il lui donnait l’impression de mentir même s’il disait la vérité. Terrorisé, le petit recula d’un pas. Il se tortilla et finit réellement par uriner dans ses braies. Pour détourner l’attention de Père, il s’empressa de ramasser sa bûche de la main gauche.
    — Lâche ça. Fais voir ta main, fit la voix sèche de Père juste derrière lui.
    Adam faillit laisser tomber le quartier de bois sur le pied de Louis et dut se résigner à lui tendre la main.
    — Pas celle-là. La dextre*, dit-il en la pointant.
    Louis n’y toucha pas. C’était inutile : il avait localisé en un coup d’œil l’écharde qui s’était fichée dans la paume tendre du garçonnet.
    — Ça fait mal, avoua l’enfant, maintenant que la chose n’était plus un secret.
    — Je sais. Il faut que je te l’enlève.
    — Non, je veux pas ! cria-t-il en s’essuyant le nez avec sa manche sans tenir compte de la désapprobation que ce geste suscitait toujours chez son père. C’est Mère qui va le faire. Je veux Mère !
    — Pas question. Elle est malade et je t’interdis d’aller la déranger pour des bêtises. Attends-moi ici.
    — Je veux voir Mère !
    — Ça suffit.
    — J’ai plus mal à la main. J’ai mal au cœur ! Moi aussi, je suis malade.
    — Tais-toi. Tout de suite !
    Louis le dévisageait. Ainsi, Adam dut-il entreprendre le pénible apprentissage consistant à refouler un nouveau type de larmes, celui qui avait l’heur de laisser sur la langue un affreux goût amer.
    Mais, peu après, coincé entre les jambes de son père qui s’était assis sur le billot, l’enfant cessa de chercher à retenir ses sanglots.
    — Donne ta main, dit Louis.
    Incapable de se débattre ni d’échapper à l’étau qui lui serrait le poignet, il sentit une aiguille passée à la flamme pénétrer sous sa peau tandis que son père, penché sur lui, procédait à l’extraction avec une certaine douceur.
    — Moi, quand j’étais jeune, je ne pouvais me les enlever que le dimanche, dit-il en guise de consolation.
    L’épreuve fut enfin terminée. Louis essuya les larmes du garçonnet avec ses gros pouces et lui offrit son mouchoir pour qu’il s’éponge le nez.
    — Du calme, va. C’est fini, dit-il.
    Ces mots de réconfort, pourtant si familiers, avaient quelque chose d’inusité et de gênant lorsqu’ils étaient prononcés par lui. Adam demanda :
    — Pourquoi vous m’aimez pas, Père ?
    Il était de ces fois où les questions d’enfant n’avaient pas leur pareil pour produire l’effet de la foudre tombant sans prévenir d’un paisible ciel hivernal. Saisi, Louis chercha à tout prix un moyen de ne pas répondre. Il se donna un air de distraction factice et dit :
    — Rentrons. Il faut que je te mette de l’eau-de-vie à la sauge. Ils marchèrent jusqu’à la maison. Adam n’insista pas.
    Margot se trouvait à la cuisine. Elle était en train de préparer un délicieux pot-au-feu de volaille qui embaumait la grande pièce. Adam en fut rasséréné à l’instant. Il se jeta dans les jambes de la vieille domestique.
    — Hum, ça sent bon ! Je peux en avoir tout de suite ? Père m’a enlevé une écharde. Ça m’a fait très mal. Je me suis mouillé aussi. Est-ce que je peux avoir du lait ?
    Ce fut pourtant Louis qui se trouva le plus réconforté par l’arôme du pot-au-feu. Avec lassitude, il prit place à table en se frottant les yeux comme s’il avait été ébloui.
    « Pourquoi vous ne m’aimez pas, se dit Louis en pensant à ce qu’Adam avait demandé. Cette question-là, je me la posais, moi aussi. Et je n’étais pas son fils. » Il se revit enfant, et il eut mal.
    — Le processus de guérison tient dans la paume de ta main, mon petit Adam. Mais, dis-moi : qui donc vient d’enlever une écharde à qui ? demanda soudain la voix de Lionel.
    Louis sursauta. Le moine et Adam s’étaient attablés devant lui sans qu’il s’en rende compte. Ils lui souriaient d’un air entendu.
    *
    Hiscoutine, quelques jours plus tard
    Durant toute cette matinée-là, Adam, surexcité, passa d’un jouet à l’autre sans parvenir à fixer son attention. Peu avant le dîner, il mordit avec hargne le coin d’un bloc qui refusait avec obstination de compléter la maison qu’il était en train de construire. Un petit chariot fou alla buter contre la jambe de Louis qui

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