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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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    *
    Août s’enveloppait de sa précieuse mante d’azur lisérée d’or. Dans les champs, autour du chemin qui le ramenait enfin à la maison, du chaume reposait comme une gigantesque couverture grossièrement filée et tissée. Des nuées d’étourneaux s’effilochaient très haut dans un ciel recueilli. Les oiseaux n’ayant plus autant de temps à consacrer à leur musique, des orchestres de criquets s’étaient formés en hâte un peu partout, au hasard des broussailles, et avaient pris la relève. Le pas paisible du cheval les faisait taire un instant et prêter l’oreille, puis ils reprenaient leur air sans difficulté là où ils l’avaient laissé.
    La cour où s’attardaient les rayons cuivrés du couchant était jonchée de jouets : galets polis, balles, toupies, sabots, billes gagnées à un concours, figurines de chevaliers, marionnettes, osselets. Même le cerceau y était. Adam avait réussi à convaincre Père de le lui céder, puisque le tonneau d’où il provenait avait été endommagé, chose fort curieuse, par un arbre contre lequel il avait roulé. Le garçonnet avait allégué que c’était un jeu très populaire et que tous les enfants du village en possédaient un. Pourtant, ce n’était pas avec lui que le petit garçon était en train de jouer au moment où le cheval parvint au bout de l’allée. Contrairement à ce que l’aspect de la cour pouvait suggérer, il n’y avait pas d’autres enfants avec lui : le père Lionel et lui s’occupaient à une partie de jeu de paume* qui empêcha le moine de remarquer tout de suite l’arrivée du cheval. Adam, lui, n’en manqua rien : leur partie se termina là.
    — Père ! Il est là, il est arrivé ! cria l’enfant, ravi, en courant rejoindre le cavalier les bras en l’air.
    Tonnerre fit un léger écart au moment de s’arrêter, et Louis en descendit afin d’être saisi par le cou sous l’étreinte avide d’Adam. Ce joyeux tapage avait attiré les domestiques souriants sur le pas de la porte, et Jehanne s’avançait vers eux à grandes foulées. Elle les étreignit tous les deux sans attendre, prenant Adam en sandwich. Pendant ce temps, le père Lionel demeurait en retrait et attendait son tour avec autant de patience qu’il se sentait capable d’en démontrer. Louis lui jeta un coup d’œil lumineux par-dessus l’épaule de sa femme. Jehanne l’embrassa et dut multiplier les efforts pour dénouer les bras d’Adam d’autour de son cou. Le garçonnet étourdissait son tuteur en l’abreuvant de tous les petits riens qui composaient son bonheur à lui.
    — Allez, viens, petite pie. Laisse un peu la chance aux autres de lui parler, essaya-t-elle de lui dire à travers ses protestations.
    Elle eut finalement gain de cause, et le père Lionel s’approcha. L’un en face de l’autre, les deux hommes ne firent d’abord que se regarder.
    — Bonsoir, Père, dit Louis.
    Lionel eut un sourire ému.
    — Bonsoir, mon fils.
    Le moine ouvrit lentement les bras. Louis s’avança et se laissa empoigner avec une fougue ponctuée de grognements. Il sentit dans son dos la main pâle de Lionel qui frottait et tapait affectueusement, cependant qu’en compagnie des deux hommes accolés, le ruisseau rétréci par l’automne encore jeunet babillait gaiement.
    Une fois Tonnerre nourri et étrillé, ils rentrèrent tous ensemble en traînant avec eux un fouillis de conversations enthousiastes.
    — Ce soir, nous allons enfin pouvoir chanter la Marion*, dit Jehanne à son mari. J’étais très inquiète, vous savez. Jamais vous ne vous êtes absenté aussi longtemps.
    — J’ignore le motif pour lequel Charles Quint (78) m’a retenu là-bas comme ça. J’ai d’abord cru que c’était parce qu’il se méfiait. Mais non. On m’a fait le reproche de mes allégeances passées, et le roi tenait à s’assurer concrètement de ma loyauté, sans plus. Il semblait redouter que, en tant qu’ancien sujet du roi de Navarre, je sois du genre à me parjurer, moi aussi. De mon côté, comme je me suis lassé d’attendre pour rien, j’ai un peu accéléré les choses en feignant d’être cagou*.
    — Oh, Louis ! dit Jehanne en riant.
    — Oui, je sais. N’empêche que ça a marché. On a fini par laisser tomber les raisons de ma détention, quelles qu’elles aient pu être, et me permettre de partir sans plus d’explications.
    Jehanne et le père Lionel échangèrent un regard de connivence discret. Mieux valait ne

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