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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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rien dire à propos du rôle que Sam avait joué dans toute l’affaire. Sa façon odieuse d’exploiter et d’aggraver quelques vérités extraites du passé de Louis leur faisait horreur. À Lionel encore plus, puisque cette tactique n’était pas sans lui rappeler celle à laquelle Louis lui-même avait jadis eu recours pour faire inculper Firmin.
    Ils soupèrent dans une atmosphère qui eût ressemblé à celle de la Noël, n’eût été de la présence de moucherons tournoyant entre les poutres du plafond, au-dessus des chandelles qui crépitaient, et d’une chauve-souris qui se laissa conduire par le vol erratique de ses ailes blafardes jusque devant la fenêtre éclairée. Même les étrennes se mirent de la partie : Louis posa sur la table un paquet de cartes rigides sur lesquelles on avait peint des images. Il expliqua qu’il s’agissait d’un nouveau jeu d’hiver dont il existait de nombreuses variantes (79) .
    — Hé ! Adam, donne donc ceci au chat, dit Toinot en brandissant une balle confectionnée avec une retaille de fourrure de lapin qu’il venait de retrouver sous son banc.
    — Je ne peux pas, le chat est dans les manteaux.
    — Le chat est où ? demanda Blandine.
    — Mère, vous avez vu ça ? demanda le garçon en montrant l’une des cartes représentant un roi.
    Pendant ce temps, le chat fut contre son gré extirpé par la servante d’un pourpoint accroché à l’une des chevilles du mur. De son côté, Jehanne laissait son regard butiner avec bonheur sur chaque scène de ce joyeux désordre.
    — Moi aussi, j’ai un cadeau pour vous, dit-elle enfin à son mari après s’être levée pour aller quérir un gros paquet dans la chambre conjugale.
    Louis déballa une paire de houseaux* à pli en daim tout neufs, teints en noir et de fort belle facture, dont la tige montait en haut du genou.
    — Pour remplacer ces vieilles jambières en peau non tannée que vous devez sans cesse mettre par-dessus vos chaussures tout usées lorsque vous allez à cheval. J’aurais souhaité pouvoir les faire confectionner en cordouan, en basane ou, faute de mieux, en cuir de vache ou de veau, mais comme c’était un peu cher…
    — Mais c’est très bien comme ça, dit Louis.
    Il évalua la souplesse de la peau qui avait été traitée et graissée avec grand soin. Il en examina l’empeigne débordant des semelles étroites qui étaient à peine visibles, puisqu’elles ne dépassaient pas le côté du pied. Hormis des bottes en feutre, il n’avait jamais possédé que des heuses* rudimentaires, de celles constituées d’une seule pièce de cuir, aucune couture ne séparant le pied de la tige et dont seule la semelle était indépendante. Or, ajusté comme il devait l’être, ce type de chaussures finissait par se déformer et s’user à force d’être enfilé et tiré. Avec les nouvelles heuses* à pli, ce problème était résolu.
    — Et mon cadeau à moi, où il est, Père ? demanda soudain le petit garçon.
    — Adam ! N’as-tu pas honte ? dit Jehanne.
    — Non, j’ai pas honte. Je suis content et je veux être encore plus content.
    Les yeux de Louis scintillèrent. Il répondit :
    — J’en aurais bien un. L’ennui, c’est que je l’ai prévu pour la Noël. La vraie.
    — Mais on fait comme si ! Je veux l’avoir tout de suite.
    — Eh bien…
    — Voyons, Louis ! dit Jehanne.
    — S’il vous plaît, interrompit Adam.
    — Il n’est pas encore terminé. Faudra que tu patientes.
    — Non !
    — Adam, je t’en prie, ne gâche pas cette belle soirée de retrouvailles, dit Jehanne.
    L’enfant se mit à pleurnicher et à donner des coups de pied sous la table. Louis se contenta de fixer l’enfant des yeux jusqu’à ce qu’il s’arrête de lui-même.
    — Je m’en vais tout de suite montrer ce cadeau à ta mère, dit-il. Seulement à elle. Et après je le cacherai. Reste ici et finis de souper.
    — J’ai fini. Je veux y aller avec vous.
    — Reste ici, je te dis.
    Louis se leva de table et fit signe à Jehanne. Il prit un falot et l’emmena dehors tandis que les domestiques redoublaient d’efforts pour apaiser l’humeur tempétueuse du petit. Louis dit à sa femme, tandis qu’ils se rendaient ensemble à la grange :
    — C’est peut-être une idée que je me fais, mais je trouve qu’il devient de plus en plus roux.
    Jehanne ne dit rien. Elle baissa les yeux.
    — Ça ne fait rien, dit-il.
    Ils entrèrent dans le bâtiment. Louis déposa

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