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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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survie du corps, le sang allait refluer au cerveau, au cœur défaillant et aux poumons. Mais cela aussi allait échouer, et alors tout allait s’arrêter. Comme l’horloge de la bibliothèque de l’abbaye lorsqu’il n’y avait plus personne pour en remonter le mécanisme.
    « Non, je ne veux pas. Pas maintenant. Il faut qu’elle sache », dit-il à son cœur. Avec la dernière parcelle d’énergie qui lui restait, il appela :
    — A-dam.
    Et il sombra dans l’inconscience.

Chapitre XI
Mors non exstinguet
    (La mort ne nous anéantit pas)
    — Allez, debout, mon petit roi. C’est l’heure d’aller livrer le pain.
    Louis sursauta. La voix d’Adélie fut remplacée par une autre, elle aussi aimée :
    — La sauge est un bon désinfectant. Elle apaise aussi les gencives saignantes. La violette, c’est pour aider à faire caca, récita une petite voix avec grand sérieux.
    — C’est exact, mais, pour les convenances, on doit plutôt dire que c’est un bon laxatif, corrigea une douce voix d’homme.
    La voix d’enfant continua :
    — Les feuilles de mandragore sont utilisées pour calmer les plaies.
    — Très bien. Mais qui donc t’a enseigné tout cela ?
    — C’est Père. Lui en avez-vous mis, des feuilles de mandragore ?
    — Bien sûr. De plus, ta mère et Margot ont renouvelé ses pansements encore ce matin.
    — Elles ne lui ont pas donné de tisane à la digitale*, ça c’est sûr. Regardez, moi, j’en ai. C’est moi qui l’ai faite tout seul. Je veux la lui porter.
    — Mais, Adam…
    — Et puis, il me manque. Pourquoi vous pouvez tous aller le voir et pas moi ?
    Le ton exaspéré démontrait que l’enfant n’en était pas à sa première tentative. Il s’était affairé une partie de l’avant-midi dans le potager et maintenant il n’y avait plus aucun moyen de l’y faire retourner. Il avait le don de venir se fourrer dans les jambes de tout le monde au moment précis où on le croyait enfin occupé ailleurs pour de bon.
    « Voyons, pourquoi tant de complications ? Il a raison. Ne l’ai-je pas réclamé à l’instant ? » songea Louis, qui se souvint qu’il n’était plus un petit garçon, mais qu’un autre était là et avait besoin de lui. Sa vue embrouillée lui révéla la porte close derrière laquelle l’entretien avait lieu. Il reconnut la même chambre ; il se trouvait allongé dans le même lit, et le même soleil pénétrait par la fenêtre aux volets ouverts.
    À son réveil, pendant un très court instant, Louis se crut mort. Il resta étendu à regarder fixement le plafond, sans oser remuer, et fut attentif au moindre son. Une fois qu’il eut constaté l’absence de tout changement, il se demanda si, par erreur, il était encore en vie ou bien si, par une autre erreur, l’au-delà était une copie à l’identique de l’ici-bas.
    Louis écouta les battements désordonnés de son cœur. Ils étaient trop rapides, mais leur présence lui fit prendre conscience que les prières du père Lionel avaient produit leur effet : sa lassitude n’était pas le fruit de son imagination, et les morts ne haletaient pas. Ils n’avaient pas soif non plus.
    — Hé ! Ho ! appela-t-il, étonné de découvrir qu’il pouvait tourner la tête avec une certaine aisance.
    Sans délai, la porte s’ouvrit sur une Jehanne plus qu’empressée. La jeune femme manifestait tous les signes d’un enthousiasme hystérique.
    — Louis ? Vous avez appelé… remué ! Pou… pouvez-vous parler ? Elle prit son visage entre ses mains en coupe.
    — Un peu, articula Louis avec difficulté, comme s’il était très ivre.
    Il essaya de se redresser contre ses oreillers, mais n’y parvint pas. Cependant sa tentative lui fit quand même plier le genou. Les yeux de Jehanne se remplirent de larmes d’une tout autre qualité que celles qu’elle avait répandues jusque-là.
    — Mon Dieu, c’est un miracle !
    — J’ai juste un peu dormi. Ça doit m’avoir fait du bien.
    Mieux valait passer sous silence qu’il s’était senti mourir. Il avait l’impression qu’un étranger parlait à sa place. Si la voix qu’il entendait était bien la sienne, son débit était très lent et il devait chercher chacun de ses mots comme s’il ne les avait pas utilisés depuis des années.
    Jehanne dit :
    — Juste un peu ? Mais, Louis, pendant près d’une semaine vous nous avez paru mort.
    — Quoi ? Une semaine ?
    — Oui. La plus longue de ma vie. Heure après

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