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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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entrouverte, pendant que le garçon lui caressait tendrement la poitrine au niveau du cœur. La main droite du bourreau frémit sur son drap et se souleva. Louis étreignit Adam avec maladresse et dit :
    — Je suis là.
    Jehanne sourit à travers des larmes qui se communiquaient à tout le monde. Elle prit place au bord du lit. L’homme et la femme se regardèrent au-dessus des boucles rousses d’Adam. L’autre main de Louis se tendit vers elle. Il les réunit tous les deux dans ses bras et ferma les yeux très fort.
    — Merci de m’avoir envoyé de l’aide.
    Jehanne recula un peu afin de le regarder.
    — Comment avez-vous su ?
    — Les hommes d’Aitken vous ont cherchée à Caen. Vous n’étiez pas là-bas.
    Jehanne lui posa une main sur la poitrine. Il avait tout compris. Il demanda :
    — Comment étiez-vous si certaine que c’était lui ?
    — Je n’en ai pas douté un seul instant. Je suis allée m’en remettre au bayle* dès mon arrivée en ville. Où que Sam soit maintenant, je ne donne pas cher de sa peau. J’espère qu’il regrette ce qu’il a fait.
    — Jehanne…
    — Oui, Louis ?
    — Il faut que je vous dise…
    Mais il s’aperçut qu’il lui était désormais plus pénible de prononcer les quelques paroles qu’il avait longuement préparées à leur intention, à Sam et à elle, que de bouger. Il n’était plus tout à fait sûr d’avoir le courage de s’en tenir à sa décision.
    — J’ai… j’ai… Rien à faire, j’y arrive pas.
    Jehanne prit sa main qui vagabondait et ne savait où se poser. Dès lors, cette main s’abandonna, apaisée, dure de cals, entre les deux paumes roses de sa femme.
    — Commencez par vous rétablir. Le reste peut attendre.
    Le médecin les avait assurés que toute autre personne que Louis ne s’en serait pas tirée à si bon compte. Il était d’une ténacité à toute épreuve. Mais si le début de sa convalescence augurait bien, on ne pouvait hélas exclure la possibilité d’une rechute qui, elle, serait fatale. Un homme, aussi fort fût-il, ne pouvait subir ce genre d’attaque une seconde fois et y survivre, surtout que Louis avait lui-même admis avoir été victime d’épisodes répétés de haut mal à l’âge de quinze ans. Il lui fut donc prescrit davantage de repos qu’il n’en souhaitait, alors que septembre défilait devant sa fenêtre.
    Louis s’en impatientait. Il en avait assez de dépendre des autres pour le moindre besoin. Ses mouvements et sa parole demeuraient ralentis comme s’il évoluait sous l’eau. Lui qui avait toujours été habitué à un corps qui lui obéissait au doigt et à l’œil, qui accomplissait sans effort tout ce que sa volonté lui dictait, il dut avoir la patience de reconquérir un par un quelques petits fragments d’autonomie. Sa canne était appuyée contre sa table de chevet, et un jour il n’avait pas hésité à en frapper le médecin affolé qui lui avait seulement recommandé une fois de trop de ménager ses forces, alléguant que ses efforts étaient, selon lui, exagérés. Quoi qu’il en fût, Louis pouvait maintenant faire sa toilette lui-même si on lui apportait une bassine et tout ce qu’il fallait. Il avait relégué le pot de chambre à son usage nocturne et exigeait d’être accompagné au petit coin chaque fois qu’il avait besoin de se soulager. C’était une tâche éreintante pour lui, car il sentait à peine ses jambes. Il devait sans cesse baisser les yeux sur elles pour observer la position qu’il faisait prendre à ses pieds. Il était par conséquent incapable de marcher sans le soutien de deux personnes. Ces exercices, qu’il prolongeait parfois beaucoup trop, le laissaient toujours pâle et sans force dans son grand lit.
    — Je suis trop occupé pour mourir, avait-il dit une fois au père Lionel qui s’inquiétait.
    Lorsqu’il se réveilla d’une sieste, un après-midi, il sentit qu’il avait repris suffisamment de forces pour mettre l’un de ses projets à exécution. Il appela :
    — Père ? Il y a quelqu’un ? Père ?
    Mais il n’y avait aucun bruit dans la maison. La porte de sa chambre était ouverte. Peut-être étaient-ils tous aux champs. C’était très inhabituel, car on ne le laissait jamais seul un instant, même s’il dormait. Peut-être était-ce précisément cela qui l’avait réveillé. Plus que jamais, il se sentait diminué, inutile. « Ça commence à bien faire », se dit-il.
    Il s’assit et laissa

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