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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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sa longue natte et la tira brutalement à lui. Surprise par ce geste inattendu qui en était un de défense instinctive, elle tomba sur lui. Son coude mal placé lui écrasa les parties génitales.
    — Ahh !
    Ce cri, il était terrible. Parce que c’était sa voix à lui, et Louis n’avait jamais crié. Cela devait lui faire très mal. Jehanne en fut glacée jusqu’aux os. Elle demeura figée dans la posture à laquelle il l’assujettissait toujours en tirant sur sa natte. Il se tourna un peu sur le côté, dos à elle et, gémissant tout bas, se recroquevilla en position fœtale.
    — Je… je suis désolée. Louis, je suis désolée, souffla-t-elle.
    Mais Louis n’entendit pas. Il n’avait pas même eu tout à fait le temps d’émerger de son cauchemar. D’abord, il y avait eu cette angoisse, toujours la même, et cette annihilation de son être… ce noir absolu dans lequel il s’était enfoncé. Cette fois, avant de disparaître tout à fait, il avait été happé par les flammes de l’enfer où il se consumait dans d’atroces souffrances.
    — Louis, je vous en prie… laissez-moi vous soigner. Peut-être que quelque chose de froid…
    Son mari ne cessait de haleter. Il allait la battre, c’était certain. Cette fois, elle n’avait aucune chance d’y échapper comme cela avait toujours été le cas jusqu’à présent. Elle jeta un coup d’œil effrayé à la ceinture qu’il avait accrochée à l’une des chevilles du mur.
    Elle tendit la main pour caresser les mèches éparses qu’elle arrivait à atteindre sur l’oreiller.
    Soudain, il se retourna brutalement sur le dos. Ses yeux exorbités luisaient de façon anormale. Ses traits exprimaient un désespoir infini, celui de quelqu’un qui se sent mourir.
    — Louis ? Louis ?
    Il cria de nouveau, plus fort. Mais ce n’était pas un cri de douleur. Cela ressemblait plutôt à un appel de détresse. Il repoussa Jehanne d’un coup de bassin et ses doigts se crispèrent dans ses cheveux. Pendant d’interminables secondes il demeura immobile dans une posture invraisemblable : son corps était si arqué qu’il ne touchait plus le lit que des épaules et des pieds. Puis il retomba. Il se mit à donner de grandes secousses rythmiques, d’une force surhumaine, avec les bras et les jambes. Ses doigts restaient toujours pris dans la natte qui s’était défaite.
    Jehanne était pétrifiée. Elle se laissa secouer un court instant avant de remarquer les affreux grognements qu’il s’était mis à émettre. Elle jeta un coup d’œil sur lui à travers le rideau de ses mèches hirsutes. Il avait les mâchoires serrées. Ses lèvres n’étaient plus qu’un mince trait aux coins duquel moussait de l’écume blanche. Ses yeux à demi ouverts étaient tout blancs.
    Elle ne se rendit pas compte tout de suite qu’elle s’était mise à hurler et à se débattre. Mais lui n’entendait pas. Il ne lâchait pas. Elle eut à peine conscience de l’arrivée du père Lionel et des domestiques. Margot avait eu le temps d’emporter un bougeoir. Avec grande difficulté, Thierry extirpa les doigts de Louis de ses cheveux emmêlés et Margot la prit en charge. Elle l’emmena hors de la chambre et les autres l’y suivirent à la requête du père Lionel, qui resta seul avec Louis.
    Ses prières récitées d’une voix douce se joignirent aux grognements de Louis et les convulsions finirent par délaisser le corps du géant.
    Lionel s’approcha avec un linge humecté dont il essuya avec tendresse le visage de l’homme inconscient. La respiration de Louis était sifflante, mais ses iris sombres étaient de nouveau à peu près visibles. Le moine, qui avait déjà été témoin de ce malaise, essuya l’écume qui maculait son menton et le col brodé de sa chemise de nuit. Après quoi il s’assit sur le rebord du lit et replaça les carreaux* froissés derrière sa tête afin de l’aider à mieux respirer.
    — Qu’a-t-il bien pu se passer, mon Dieu ? demanda-t-il tout bas.
    Quelqu’un cogna discrètement à la porte et ouvrit. C’était Margot.
    — On n’entendait plus rien. Ça va ?
    Lionel se releva, couvrit Louis et vint la rejoindre. Il referma la porte derrière lui.
    — Tout va bien. C’est terminé. Il dort.
    Il suivit Margot dans la pièce à vivre où tous les autres, même Iain, s’étaient frileusement réunis. Ils n’étaient éclairés que par le feu de l’âtre et une seule chandelle posée au centre de la table.

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