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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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grimaça de dégoût à l’idée que Louis eût pu jouir, à peine quelques minutes plus tôt, en épinglant cette pauvre petite femme grelottante sous lui dans son grand lit.
    — Tais-toi, Samuel ! ordonna Lionel. Cela ne te regarde pas.
    Avant que Jehanne eût le temps de trouver une réplique à Sam, dont la mine s’était renfrognée, la porte de la chambre s’ouvrit doucement et Louis apparut. Il allait nu-pieds et n’avait pas enfilé sa huque* à cordon par-dessus sa robe de nuit froissée. Il s’arrêta pour les regarder tous de ses étranges prunelles chatoyantes. Il demanda, d’une voix intriguée, très douce :
    — Eh bien, qu’est-ce qui se passe ? Que faites-vous tous là, comme ça, au beau milieu de la nuit ? Ça ne va pas ?
    Il s’avança vers eux. Son visage exprimait un étonnement sincère. Cette apparition les avait tous saisis. Nul ne dit mot. Louis chancelait légèrement. Il tourna la tête en direction de Jehanne et de Sam. Tout de suite, l’Écossais réagit en se raidissant défensivement. Mais Louis ne s’occupa pas de lui. Il dit à Jehanne :
    — Oh, mais il ne faut pas pleurer comme ça.
    Il semblait avoir tout oublié et ne plus savoir exactement où il était, ni même qui il était. Son visage était très limpide et la moindre émotion y laissait sa trace de façon marquée.
    Jehanne se leva, quittant la sécurité des bras de Sam pour aller vers son mari dont elle prit le bras avec hésitation. Elle renifla et, sans y penser, s’essuya le nez du revers de sa manche. Louis ne s’en aperçut pas. Il dit, d’une voix absente :
    — Vous avez fait un cauchemar, c’est ça ? J’en fais, moi aussi. Des fois. Toujours pareils. Là, c’est drôle, je viens de rêver que j’arrêtais des gens dans la rue pour leur parler. Mais personne ne comprenait ce que je disais.
    — Vous ne devriez pas rester debout, Louis. Venez.
    — Mais je vais bien. Je suis seulement très, très fatigué. Ne pleure plus, ma petite, d’accord ? J’aimerais bien savoir ce qui se passe.
    Il parlait comme s’il ne savait pas trop ce qu’il disait.
    — Il ne se passe rien, Louis. Vous avez eu un malaise. Mais tout va bien, maintenant. Venez, venez vous recoucher.
    — Ah, bon.
    Le géant n’avait pas écouté. Il s’arrêta pour fixer le plancher à ses pieds.
    — Cette petite fumée, elle est encore là.
    — Quelle fumée ? demanda Sam.
    Au grand étonnement de tous, le père Lionel empoigna Sam par le col et l’entraîna jusqu’à l’appentis.
    —  Get in zere. And aïe mine naou (15)  ! grogna-t-il.
    Louis ne remarqua rien de tout cela. Il suivit docilement Jehanne qui le guidait par le bras jusqu’à la chambre où elle l’aida à se mettre au lit. Il se laissa faire comme un grand enfant. Elle espéra qu’il ne sentait pas combien elle tremblait, combien elle avait peur d’y toucher. Il n’était pas sitôt installé qu’il se rendormit profondément. Encore terrifiée par la crise, Jehanne fut incapable de se recoucher avec son mari. Elle quitta silencieusement la chambre et retourna dans la grande pièce bavarder et boire avec le reste de la maisonnée qui, comme elle, pensait être incapable de refermer l’œil.
    Il ne revint à lui qu’au plus noir de la nuit. Il était seul et il n’y avait pas un bruit dans la maison. Il s’assit au bord du lit et enfila ses chaussons avant de se lever. Il endossa sa huque* de cariset* dont il noua le cordon. Il se sentait encore très faible. L’air frisquet de la chambre acheva de le réveiller tout à fait et il se rendit jusqu’à l’âtre où les quelques braises restantes palpitaient doucement. Il ranima le feu et quitta la pièce, un bougeoir à la main.
    Ce qu’il vit dans la grande pièce ne l’étonna guère, car il était encore un peu confus. Il se demanda tout de même comment il avait pu être en mesure de dormir, car il devait y avoir eu beaucoup de tapage. Des dormeurs étaient affalés un peu partout, au hasard de leurs errances festives. Les deux servantes avaient eu la décence de s’installer dans un coin et partageaient une même couverture. Iain était assis tout de travers dans sa grande chaise. Thierry avait rampé jusqu’à un seau qu’il agrippait encore et dans lequel il avait vomi. Toinot s’était endormi à table, la tête dans ses bras croisés. Hubert, quant à lui, s’était étendu de tout son long sur le plateau de la table et ronflait bruyamment. Les pieds du père

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