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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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le clocher de l’église qui dominait la place, un archer le mettait discrètement en joue. Cet archer, il le reconnut par ses vêtements.
    — Merci, eut-il tout juste le temps de souffler à Louis qui se tenait à ses côtés.
    Mais Louis ne parut pas l’entendre. Quelque chose le préoccupait. « Il y met du temps à bornoyer », se dit-il. Enfin, il céda à la tentation et leva à nouveau brièvement les yeux en direction du clocher, au risque de faire repérer l’archer en dépit du tumulte.
    Lui aussi reconnut l’homme qui visait. Il jeta un coup d’œil en direction du moine châtain, puis à nouveau vers le clocher. L’archer n’était pas celui qu’il avait engagé en secret la veille. C’était quelqu’un qui, au-delà d’un travail rémunéré à accomplir sous le poids de la menace, allait s’avérer un meilleur archer que celui qui n’avait aucun ami à perdre. Louis n’en croyait pas ses yeux. Comment Lionel avait-il pu faire pour se substituer à l’autre ?
    Tout était prêt pour la retraite rapide de l’archer. Lionel avait pu savoir qu’une longue corde était dissimulée à la jonction d’un des transepts et il avait bien l’intention de s’en servir. Mais, une fois sa flèche lancée, Lionel jugea qu’il allait tout juste avoir le temps de dérouler cette corde, de s’en servir pour redescendre et de demander asile en se réfugiant dans l’église. Cela lui semblait plus sûr que le plan de fuite initial prévu pour l’autre archer qui, lui, eût dû prendre le risque de traverser une partie de la place grouillante de monde avant d’espérer atteindre la porte Saint-Martin.
    Le père et le fils se regardèrent. « Ma tête est vide, se disait Lionel. Je suis totalement concentré sur Samuel, tendu comme cet arc que je tiens, attentif au moindre bruissement d’ailes des anges qui l’attendent. Comme ma flèche, je m’apprête à jaillir, à m’enfuir avec son cœur intact. »
    Lionel décocha son trait. Alors seulement il comprit ce qui était sur le point de se produire. Mais il était trop tard.
    — Non !
    Sa voix se perdit dans le vacarme de la foule, qui ne remarquait rien encore.
    Sam vit les rayons encore dorés du soleil entre lesquels le trait à peine visible fendait l’air avec un vrombissement implacable. Il ferma les yeux. Il n’existait plus que pour cette flèche qui s’apprêtait à le délivrer, sans se rendre compte que Louis avait de nouveau éteint le soleil devant lui.
    Le projectile frappa avec un bruit mat. Sam ne sentit rien. Il perçut un halètement. Ce n’était pas le sien. Il rouvrit les yeux. Louis tituba à sa hauteur, bouche bée, la flèche fichée en pleine poitrine. La main du géant s’ouvrit pour laisser échapper le couteau. Il abaissa un regard entendu sur l’empenne encore frémissante. Au loin, il put distinguer le visage défait derrière l’arc qui s’abaissait.
    — Pardon, Père, dit Louis d’une voix tremblante.
    On mit quelques secondes à réaliser ce qui venait de se passer. Lorsque l’information arriva à s’introduire dans le rudimentaire cerveau collectif de la foule, elle se déchaîna. Nul mieux qu’elle ne savait comment s’improviser bourreau. C’était un coup monté. Quelqu’un avait sciemment nui à la justice et le spectacle était compromis. Il fallait que quelqu’un expie.
    Après avoir pratiqué une brèche dans la haie de gardes qui protégeait l’échafaud, la cohue recracha Jehanne au bas de l’échelle et reflua en direction du clocher. La jeune femme avait perdu sa coiffe. Hurlant à la place de celui qui était touché, elle gravit les échelons menant à la plate-forme en s’empêtrant dans l’ourlet de ses jupes.
    Pendant ce temps, Lionel regarda la populace approcher et encercler l’édifice au faîte duquel il était perché.
    — Louis ! Pourquoi as-tu fait ça ? Ne me laisse pas !
    Des projectiles venus de toutes parts se mirent à lui pleuvoir dessus. Quelques spectateurs frustrés entreprirent de se hisser au-dessus de la mêlée en se faisant la courte échelle. Lionel ne s’en soucia pas. « Toute fuite est inutile, maintenant », se dit-il. Il demeura immobile et n’esquissa pas le moindre geste de défense.
    — J’avais encore tant à te dire…
    Sans quitter des yeux le grand homme, qui lui aussi regardait dans sa direction, il laissa tomber son arc.
    — Non, tout est dit. Mon fils, je te suis. Ite missa est (99) .
    L’élève venait de

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