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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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tellement plus facile de refouler Sam loin de son esprit lorsque son mari se tenait juste là, au-dessus d’elle tel un gardien, écoutant ses gémissements qui se muèrent bientôt en sanglots. Le chanvre du nœud coulant lui démangeait le cou et le menton. Elle lui prit la tête à deux mains et se mit à l’embrasser goulûment, désespérément. Elle était en larmes.
    — Pourquoi pleurez-vous ? lui demanda-t-il entre deux baisers qui avaient un goût de mer.
    Jehanne répondit :
    — Parce que je vous aime. Je vous aime tant que j’en ai mal. Sans chercher à comprendre, il l’obligea à tourner la tête et se mit à mordiller durement son tatouage.

Deuxième partie
1371-1372

Chapitre III
Belle dame contre sorcière
    Hiscoutine, septembre 1371
    Une pomme abîmée manqua frapper Louis de peu : elle lui passa près de l’oreille pour aller rejoindre les autres qui attendaient dans le tombereau.
    — Oups… pardon, dit Blandine avec son rire de lutin.
    Elle astiqua un fruit contre son corsage et croqua dedans avec avidité. L’heure du dîner approchait. Ils travaillaient tous au verger depuis l’aube. Louis aussi fit une pause et regarda le ciel en se frottant les reins. Thierry, Hubert et Toinot vinrent à leur tour vider leur panier dans la charrette. Tout le monde avait été mis à contribution, à l’exception de Jehanne, de Margot et du père Lionel.
    La récolte du secteur où ils travaillaient arrivait à son terme. Après avoir soigneusement entreposé les bons fruits dans les casiers du cellier, on en était à récolter les pommes tombées ou endommagées qui allaient servir à confectionner le cidre.
    Une espèce de meuglement se fit entendre au loin. C’était Margot qui cornait le dîner à l’aide d’une petite trompe (33) .
    — C’est l’heure, dit Louis.
    Les cueilleurs avaient attendu son signal et non pas l’appel de Margot pour s’arrêter et s’installer à l’ombre d’un grand pommier.
    — Je m’en vais chercher le panier, dit Blandine en se mettant en marche vers la maison.
    Le groupe était convenu de casser la croûte en plein air pendant que mijotait dans l’âtre, en prévision du souper, un potage aux herbes du jardin dans lequel Blandine avait coupé en dés des choux et des raves, agrémentés de quelques lardons conservés dans de la graisse d’oie. Louis, quant à lui, décida de suivre la petite cuisinière. Sous la supervision directe de Jehanne, un repas chaud avait été préparé pour lui au manoir.
    Il trouva la maison fraîche, sombre et silencieuse. Ni Jehanne ni Margot n’étaient en vue nulle part. Seul le père Lionel se trouvait dans la pièce à vivre. Il dormait profondément, assis tout de travers dans la chaise de Louis comme une grande marionnette aux fils coupés. Blandine alla prendre le panier à la cuisine et revint vers Louis, qui attendait.
    — J’ignore où elles sont passées, mais votre repas est bien là, tout prêt, lui chuchota-t-elle.
    — Laisse, je m’en occupe. Va porter ça aux autres.
    — Bien, maître.
    Elle lui fit une petite révérence et sortit.
    Lorsque le père Lionel se réveilla, Louis était déjà assis sur le banc à côté de lui, en train de manger. Des perles luisaient dans ses cheveux, car il venait de se laver la figure et les mains dans le tonneau d’eau de pluie posé près de la porte d’entrée.
    — Tiens, vous voilà, mon fils, dit Lionel en s’étirant.
    Le maître ne fit aucun commentaire, mais tout le monde savait ce qu’il pensait des paresseux qui dormaient encore après le lever du soleil. Le moine dit, peut-être pour se justifier :
    — Cette petite sieste m’a fait du bien. À force de ne plus dormir la nuit, je dois bien me rattraper quelque part.
    Il bâilla et prit place à table devant Louis qui grignotait des olives de Provence.
    — Quel beau rêve j’ai fait. C’est étrange, mais depuis que je dors en plein jour, mes rêves deviennent plus nombreux. J’étais à bord d’une nef. Cela me rappelle un petit voyage en mer que j’ai fait avant mon retour de Compostelle. Il y avait une dame aussi sur le pont. Une fort belle dame que j’ai connue jadis.
    Il s’installa plus confortablement. Louis écoutait distraitement sans lever les yeux de son plat d’olives semées d’ail qui se vidait peu à peu.
    — Nous vous entendions jouer de la musique. Avec un dulcimer*. Ne me demandez pas comment nous savions que c’était vous, car nous ne vous voyions

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