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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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Jehanne, quant à elle, n’objecta pas de clore avec quelques jours d’avance ce long temps de privations : par pure gourmandise, elle dégustait maintenant un somptueux gâteau à la mie rousse zébrée d’une crème foncée et épicée confectionné par Louis. Au bout de vingt minutes, il ne resta plus, par miracle, que le plat de service qui l’avait contenu.
    Louis demanda à Jehanne :
    — Où l’avez-vous mise ?
    — Si vous me dites de quoi vous voulez parler, peut-être serai-je en mesure de vous répondre, mon bien-aimé.
    — Ma muscade. Vous l’avez dénichée et j’en voulais pour ce gâteau.
    Contrairement à ce qu’il avait attendu, Louis ne vit pas sa protégée rougir d’avoir été prise en flagrant délit. Jehanne répondit, désinvolte :
    — Elle est sous notre lit. Il n’y a pas de secret. Je me suis seulement dit que c’était la chose à faire.
    Il s’éclaircit la gorge et regarda ailleurs, comprenant ce à quoi elle faisait allusion. S’il avait dormi avec elle dans leur chambre, il eût sans doute fini par mettre la main sur le pot qui n’était même pas caché.
    Pendant ce temps, Lionel fouillait bruyamment dans sa liasse de parchemins.
    — C’est quoi, tous ces papiers ? demanda Blandine.
    — Il y en a un que je cherche et je n’arrive pas à mettre la main dessus.
    — Ben voyons, fallait les emmener ici avec nous pour le retrouver.
    — C’est tout à fait exact. Car, tenez, le voici justement. Blandine fit au moine un clin d’œil coquin.
    La jarre en terre cuite remplie de lait qui avait peu auparavant été mise à refroidir dans la mare perlait d’humidité. Lionel la prit et, avant de s’en verser, se la passa sur le front en soupirant d’aise.
    — C’est drôle, je me sens tout bête comme si j’avais la fièvre.
    — Vous devez l’avoir. Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Louis avec une certaine rudesse.
    Le moine avala d’un trait ce qui lui restait de lait et reposa son bol. Il se ravisa à la vue d’un cercle blanchâtre qu’il avait laissé par accident sur le bois de la table. Il se leva et s’en fut placer son bol sur le monticule de vaisselle qui attendait près de l’évier. Il dénicha un torchon et prit le temps d’essuyer lui-même la table avec un zèle inaccoutumé.
    Jehanne dit gentiment :
    — Père Lionel, vous faites exprès pour nous agacer, n’est-ce pas ?
    — Bien sûr que oui. Laissez-moi ce plaisir.
    — Nous n’avons rien demandé, dit Louis en jetant un regard inquiet à sa femme.
    — Ça, je le sais. Le plaisir est là aussi, et je vous redemande de bien vouloir me le laisser.
    Il enroula le torchon autour de son doigt. Après quoi, il en frotta pensivement une tache sur sa manche.
    — Attendez un peu. Je n’arrive pas à trouver le premier mot qu’il faut dire.
    Sur ce, Margot fit discrètement signe aux domestiques.
    — Bon, nous on a du travail. On vous laisse tous les trois. Allez.
    Hubert, Thierry, Blandine et Toinot se levèrent et quittèrent la pièce. Une fois qu’ils furent seuls, Lionel dit :
    — Je vous ai sciemment provoqué et poussé jusque dans vos derniers retranchements lors de nos récentes discussions, alors qu’il n’y avait pas lieu de le faire.
    Il se remit à fouiller dans ses parchemins.
    — Vous m’en voulez toujours, n’est-ce pas, maître ?
    Louis ne répondit pas. Le moine soupira.
    — J’ai… j’ai agi dans la colère. Je vous prie de me pardonner.
    — Si quelqu’un doit demander pardon ici, c’est bien moi, dit Jehanne.
    — Il faut d’abord que vous sachiez une chose. Ce parchemin que je cherchais fait état des économies que nous sommes parvenus à mettre de côté depuis ma nomination en tant que régisseur du domaine. L’argent se trouve en sûreté chez un banquier de Paris. Maître, ne m’en veuillez pas d’avoir omis de vous en parler avant. J’avais d’abord prévu de conserver cette somme comme dot, dans l’éventualité où Jehanne eût choisi de prendre le voile au lieu de vous épouser. Mais comme tel n’a pas été le cas, l’argent est demeuré chez le banquier, chez qui il s’accumule depuis.
    La brise profita de la minute suivante pour taquiner la tapisserie qui se souleva en gonflant. Elle fut seule à vivre cette minute.
    — Ce banquier est un homme bon qui est en lien depuis longtemps avec mon abbé. Il a continué de se charger de prêter l’argent en mon nom et de le faire ainsi fructifier, en échange

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