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Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elena Arseneva
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« Adonies » qu’on célébrait en Grèce païenne ?
    — Je suppose qu’elles sont en rapport avec le mythe d’Adonis ? hasarda Artem en reprenant sa place dans le fauteuil en face de Klim.
    — Ce mythe est à la base du rôle complexe que les aromates jouaient dans la vie de la cité grecque. Les parfums participaient des cultes antiques, mais ils servaient aussi aux joies sensuelles de l’amour. Et c’est ce deuxième aspect qui nous intéresse ici. Les Adonies étaient fêtées par les femmes pendant les jours de la canicule, quand la chaleur exaltait les odeurs et attisait le désir charnel. Elles confectionnaient des jardinières pour y mettre à germer des graines de céréales, de fleurs et de plantes aromatiques. Installés sur les terrasses ensoleillées, ces jardins miniatures étaient arrosés et exposés à l’ardeur du soleil neuf jours durant.
    — Pourquoi neuf ? s’étonna Artem.
    — C’était une sorte de parodie d’agriculture. En neuf jours, les jardinières avaient le temps de s’épanouir et de se faner. Les Grecques s’amusaient avec leurs amants jusqu’à ce que les plantes soient sèches, puis elles allaient les jeter dans un cours d’eau en pleurant la mort d’Adonis… À ton avis, boyard, quel genre de femmes s’adonnaient à ces festivités ?
    — Comment le saurais-je ? bougonna le droujinnik. Je suppose qu’elles n’étaient pas parmi les plus chastes de la cité !
    — Il s’agissait le plus souvent d’hétaïres, confirma Klim tandis qu’il se versait une généreuse rasade de vin. Les dignes matrones, elles, avaient coutume de célébrer la fête des récoltes consacrée à Déméter, et elles observaient la chasteté la plus rigoureuse pendant ces cérémonies. Les parfums les plus précieux – le nectar, l’ambroisie, le nard – étaient utilisés lors des rituels consacrés aux dieux. Cela correspondait à l’image du corps divin qui ignore la mort et la putréfaction. Mais avec les Adonies, c’est tout le contraire : tu comprends l’énormité de cette transgression ?
    Artem haussa les épaules et fit un geste de dénégation.
    — Pendant les Adonies, les femmes détournaient les aromates de leur destination divine pour les employer aux plaisirs charnels. Or les philosophes et moralistes païens ne cessaient de mettre en garde contre la nature ambiguë des fragrances. Les jeunes mariés, par exemple, pouvaient se parfumer le jour de leur hyménée, mais ils devaient s’en abstenir par la suite pour ne point substituer les jeux érotiques au vrai but du mariage, la procréation. Les aromates sont dangereux à cause de leur séduction même, et l’amour peut toujours se transformer en débauche.
    — Selon toi, notre homme connaît ces antiques rituels orgiaques ? le coupa Artem.
    — Assurément. Les sages païens l’auraient condamné parce que les corps des amants embaument comme ceux des dieux.
    — Et nous autres chrétiens, nous l’accuserions de luxure, enchaîna le droujinnik. Quoi qu’il en soit, cet homme est conscient de transgresser l’interdit ! Mais c’est chaque fois sa compagne qu’il rend responsable de cette faute. Et il finit par lui infliger le châtiment le plus horrible qui soit : une mort atroce et honteuse, indissociable de la profanation de son corps.
    — Tu as mis le doigt sur l’essentiel, boyard ! approuva Klim. Pour revenir aux femmes qui célébraient les Adonies, elles étaient mal vues dans la cité car, telles les bacchantes, elles y introduisaient la débauche et la sauvagerie de l’époque archaïque. Avec le temps, seules les hétaïres, imitées par les prostituées de bas étage, respectaient cette fête. À cause de ces rituels, nombreux étaient ceux qui voyaient toutes les femmes comme de vulgaires catins… Voilà une opinion que notre assassin ne désavouerait point !
    — Je suis d’accord, reconnut Artem en buvant une rasade d’eau-de-vie au miel. Il s’est inspiré des Adonies pour inventer un rituel amoureux qui s’ordonne autour du fameux élixir. La vie de sa petite bacchante ne vaut rien à ses yeux. Je pense qu’il fait une séparation très nette entre les femmes coupables d’avoir cédé à ses avances et celles dignes de son estime. Il est capable de mener cette vie d’orgies et de meurtres, et en même temps, d’envisager le mariage avec quelque parangon de vertu !
    — À moins qu’il ne soit déjà marié, ajouta Klim avec un clin d’œil

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