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Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elena Arseneva
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l’épouser. Tu le remercieras une nouvelle fois pour l’honneur qu’il me fait, et tu lui diras que je n’en suis pas digne. Il ne peut que prier pour moi ! Tôt ce matin, j’ai envoyé un domestique porter une missive à la mère supérieure du monastère de la Vraie Croix. Je lui ai fait part de mon désir d’entrer dans les ordres. Sa réponse vient de me parvenir : elle m’accepte comme postulante. C’est mon intendant qui réglera les questions financières. Quant à moi, une calèche m’attend près du portail. En sortant d’ici, je vais me rendre à ma nouvelle demeure pour ne plus jamais la quitter.
    Muet de stupeur, Philippos considéra quelques instants le visage serein et fermé de la jeune femme, ses paupières obstinément closes, ses lèvres blêmes et serrées.
    — Tu ne parles pas sérieusement ! finit-il par s’exclamer. Le boyard t’aime, il est prêt à ceindre la couronne du mariage avec toi.
    — Il veut m’épouser parce que c’est un honnête homme, répliqua Vesna. Si jamais j’y consens… un jour, il s’en mordra les doigts ! Je ne suis pas la femme qu’il lui faut, Philippos. J’ai été cruellement éprouvée dans ma vie, cela m’a marquée… Même après mon mariage, je n’ai pas toujours été à la hauteur de mon mari. Je ne lui ai pas apporté le bonheur qu’il était en droit d’espérer. Pire : je n’ai rien fait pour le sauver !
    Philippos voulut protester, mais Vesna leva la main d’un geste impérieux.
    — Tu es trop jeune pour le comprendre, mon ami. Si j’avais vraiment essayé, j’aurais pu lui arracher son secret. Mais je me suis contentée d’attendre.
    — Tu n’y pouvais rien ! argua Philippos. Artem pensait lui aussi que Klim finirait par entendre raison, il le souhaitait de tout son cœur.
    — Moi, je ne souhaitais qu’une seule chose, s’écria Vesna, quittant son masque de sérénité : je voulais qu’Artem m’aime ! J’en avais oublié tout le reste !
    Elle cacha son visage dans ses mains, ses épaules furent secouées de sanglots silencieux. Au bout d’un moment, Philippos lui effleura le bras et murmura :
    — Tu n’es pour rien dans la mort de Klim. Il a surpris Svetlana la main dans le sac, elle ne pouvait donc que le tuer. Rappelle-toi, elle l’a dit devant nous ! Il faut que tu songes aux vivants et au bonheur qui s’offre à toi aujourd’hui.
    — Ce bonheur ne saurait durer, chuchota Vesna. Le temps est le pire des traîtres !
    Elle leva son visage baigné de larmes aux yeux éperdus et poursuivit comme si elle se parlait à elle-même :
    — Oui, aujourd’hui, il m’aime… mais demain ? Je voudrais que cela ne s’arrête jamais… Hélas, c’est impossible ! Si je disparais maintenant, au moins suis-je sûre qu’il me regrettera.
    — Cela n’a ni rime ni raison ! protesta Philippos. Votre histoire d’amour ne fait que commencer !
    — Ce qui a un début a une fin, déclara Vesna, morose. Je préfère que celle-ci survienne au moment que j’ai choisi, et non par surprise, en me plongeant dans le désespoir. Oui, c’est mieux ainsi… Inutile d’essayer de me dissuader, ma décision est prise.
    — Tu veux garder l’initiative à tout prix, observa Philippos. Cela me rappelle la façon de raisonner de Svetlana… Ne ferais-tu pas mieux de laisser cela aux hommes ?
    — Certes, cela sied mal à notre sexe, acquiesça la jeune veuve. Si j’ai pris cette décision, c’est uniquement par amour ! Ton père mérite mieux qu’une misérable créature de mon espèce.
    — Une humilité excessive peut cacher un orgueil démesuré ! rétorqua le garçon. C’est ce sentiment qui te pousse à agir de la sorte.
    — Je ne fais que renoncer à un espoir trompeur. Que puis-je faire pour le boyard sinon m’effacer de sa vie ? Tu verras : plus tard, il me donnera raison.
    D’un geste, Vesna intima au garçon de se taire. Puis elle joignit les mains, baissa la tête et se figea, absorbée dans une prière silencieuse. Quand enfin elle regarda Philippos, son visage était serein et apaisé.
    — Je suis en paix avec moi-même, fils d’Artem, dit-elle d’une voix neutre. Je vais te laisser à présent. Il est temps que je parte.
    Elle se redressa, fit quelques pas, puis se retourna une dernière fois.
    — Dis au boyard qu’aucune femme ne l’a aimé autant que moi, murmura-t-elle.
    Alors qu’elle s’éloignait, Philippos se leva et demeura un instant immobile, plongé dans

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