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Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elena Arseneva
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J’ai des dizaines de clients parmi les boyards et les notables de notre ville. La plupart viennent me consulter dans mon officine. Ils demandent à être reçus en tête à tête, pour que je puisse leur prodiguer des conseils personnels.
    Klim s’était relevé et accompagnait son discours de grands gestes expressifs. Il portait un caftan violet chamarré d’or et une chapka assortie. Artem s’aperçut que son dos était déformé par une bosse. Ses longs bras musclés semblaient trop puissants par rapport à son corps difforme, et toute sa mise luxueuse contrastait avec son physique ingrat. Pourtant, son front proéminent, creusé par des rides de souffrance et d’efforts, et le clignotement goguenard de ses yeux plissés démentaient ce que cet homme pouvait avoir de fat ou de ridicule. Il affichait un petit air moqueur comme s’il riait le premier de sa laideur, mais aussi des louanges qu’il se prodiguait à lui-même.
    — Honorable Klim, je ne vois toujours pas en quoi le récit de tes prospérités me concerne, déclara Artem, s’efforçant de ne point dévisager la belle épouse du bossu.
    — J’ai voulu te donner des gages de ma capacité, sinon de mon talent, boyard, répondit Klim en se rengorgeant. Je te mets au défi de soumettre à mon examen le parfum qui t’intéresse. Un tissu qui en est imprégné suffira. Je te révélerai la nature de cette substance, sa provenance et sa valeur. Tu n’iras pas jusqu’à exiger sa formule secrète ! ajouta-t-il en riant.
    — Pourquoi pas ? répliqua le droujinnik. Le mode de préparation de cette mixture pourrait nous conduire à celui qui l’a créée.
    — Ne t’en déplaise, boyard, c’est impossible ! protesta l’apothicaire. Comme il s’agit d’un parfum rare ou exotique, il n’y a aucune chance qu’il soit fabriqué dans cette ville. Par ailleurs, les règles de mon métier édictées par notre guilde m’interdisent de dévoiler la plupart des recettes. Vois-tu, le prix d’une drogue ou d’un élixir, même exorbitant, peut être dans certains cas inférieur au coût de sa formule !
    Artem haussa les sourcils, ce qui encouragea Klim à poursuivre avec ardeur :
    — Eh oui, boyard, certains aromates sont plus chers que les métaux précieux ! Et je ne parle pas seulement de l’encens, de la myrrhe, de l’ambre gris – ou encore du nard, cette précieuse liqueur que Marie de Béthanie versa sur les pieds de Notre-Seigneur. Il existe des préparations à base d’autres substances, selon des formules qu’on garde jalousement dans le plus grand des secrets…
    Tandis que le bossu pérorait, Artem fit signe aux Varlets qu’ils pouvaient partir pour commencer leurs recherches. Ils s’éclipsèrent en murmurant un mot d’excuse que Klim ignora, tout à son discours. Quant au droujinnik, il était surtout fasciné par Vesna. Il chercha à croiser son regard pour se noyer dans le bleu profond de ses iris, mais elle baissa aussitôt les paupières. Artem finit par interrompre l’intarissable apothicaire.
    — Soit, je passerai te voir, honorable Klim, promit-il. Ton aide peut se révéler fort utile dans l’affaire qui m’occupe. En attendant…
    Artem se tut. Il venait d’avoir une idée. Klim semblait bien connaître les jeunes gens qui festoyaient au milieu de la salle, il avait déjà échangé avec eux salutations et coups d’œil complices. Il pourrait sûrement le renseigner sur la jeune coquette aux yeux noirs qui avait envoûté Philippos. Mais à peine avait-il formulé sa première question que Philippos lui-même se tourna vers lui et déclara :
    — Je peux t’informer sur la fille de Grom mieux que le sieur Klim ! Elle est de mes amis, et même plus que ça…
    Il se mordit la langue. Voyant son embarras, l’apothicaire ricana, puis lui tapota gentiment la main.
    — Sache, mon grand, que la même tendre amitié lie cette jouvencelle à plusieurs gaillards installés à ses côtés. Que veux-tu ! Elle est en âge de se marier.
    — Aucun de ces freluquets n’est digne d’elle ! rétorqua Philippos. Regarde-moi ce bellâtre en caftan turquoise et or : on dirait un paon dans une basse-cour !
    — C’est Kassian, un fameux noceur, commenta Klim. Il a des goûts de luxe et adore jeter l’argent par les fenêtres.
    — Cet argent n’est pas le sien, mais celui de sa tante grecque, précisa Philippos d’un ton acide. Il est comme les autres, il tourne autour de Nadia à cause de sa

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