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Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elena Arseneva
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    Tandis que l’apothicaire approuvait en riant, Artem examina le beau ténébreux dont Philippos avait parlé. « Un trop joli visage avec un mauvais sourire », pensa-t-il. Puis il détailla les voisins de Kassian qui avaient fait honneur à un repas bien arrosé et finissaient leurs coupes en échangeant plaisanteries et œillades appuyées.
    — Si tu me parlais des autres convives ? suggéra-t-il à Klim. J’aimerais les connaître un peu mieux qu’à travers les sentiments personnels de mon fils !
    — Il n’est pas loin de la vérité, répliqua le bossu. La plupart ne sont que des fats, des coureurs de dot. Ils sont tous issus du même milieu, celui de la noblesse plus ou moins récente à laquelle se mêlent quelques marchands prospères. Pourtant, quelques-uns n’ont rien de commun avec ces godelureaux…
    L’apothicaire désigna d’un signe de tête un jeune homme d’environ vingt-cinq étés à la forte carrure et aux abondants cheveux châtains. Son luxueux caftan rouge vif moulait ses épaules d’athlète et son torse imposant, marqué par un léger embonpoint. Son beau visage était ouvert et franc. Presque à contrecœur, Artem le trouva sympathique.
    — C’est Igor, bourreau des cœurs et grand pécheur devant l’Éternel ! déclara Klim avec un clin d’œil malicieux. Trêve de plaisanteries : c’est un époux dévoué, mais aussi un brillant érudit et poète à ses heures. La dame blonde près de lui, la douce Svetlana, peut témoigner que les innocentes lubies de son mari ne lui font jamais oublier son devoir.
    « La douce Svetlana ne fait pas le poids à côté de son gaillard d’époux », songea Artem tandis qu’il examinait la jeune femme. Sa chevelure cendrée, partagée par une raie, lui tombait sur les épaules comme un voile de gaze, encadrant son visage aux yeux verts et aux traits délicats. Une grâce fragile se dégageait d’elle comme une pâle lumière.
    — Autant sa femme est sage et ordonnée, autant Igor est fantasque et imprévisible, poursuivit l’apothicaire. C’est son tempérament d’artiste qui veut ça ! Igor n’est pas un simple rimailleur à la mode grecque. Sous le règne d’Oleg, il assurait la haute charge de Garde des Livres. À l’exemple de l’illustre Michel Psellos, il compose odes et élégies quand il n’écrit pas des commentaires sur notre époque.
    — Pour l’heure, il est surtout occupé à conter fleurette aux deux jouvencelles qui lui font face, railla Artem.
    Philippos s’agita sur son siège : l’une de ces deux jeunes filles était Nadia ! Quant à l’apothicaire, il écarta les bras dans un geste d’impuissance.
    — Igor est poète, il peut chanter l’idéal féminin devant une poupée de bois ! Mais ces sottes prennent tout pour argent comptant. Regarde Marfa, la petite blonde suspendue à ses lèvres. Elle est charmante, mais bête à manger du foin ! Non, boyard, Igor préfère s’entourer de vieux manuscrits plutôt que de jeunes coquettes. Il a trop conscience de sa propre valeur !
    L’apothicaire haussa ses épaules déformées. Il voulut ajouter quelque chose mais se ravisa et reprit :
    — Regarde le voisin de Svetlana, le jeune maigrelet aux cheveux bruns. En voilà un autre qui vaut la peine d’être connu ! C’est Boris, un noble de haut lignage.
    Artem observa le grand escogriffe au nez busqué et aux yeux noirs qui s’adressait à l’épouse d’Igor. Il était vêtu sobrement dans les tons marron et ocre, mais son caftan et sa chapka bordée de zibeline avaient dû coûter aussi cher que les tenues voyantes de ses amis. Absorbé par la conversation, Boris gesticulait sans cesse et sa pomme d’Adam montait et descendait dans son cou mince. Un sourire venait adoucir par moments son attitude altière et cabrée. Mais c’est surtout l’expression angoissée de ses yeux sombres qui frappa Artem : elle trahissait quelque pensée oppressante ou douloureuse.
    — Tu te dis que c’est un drôle d’oiseau, n’est-ce pas, boyard ? murmura Klim.
    — On dirait un tempérament assez original, reconnut le droujinnik.
    — Je l’ai rarement vu aussi en verve, poursuivit l’apothicaire. Depuis qu’il a perdu sa sœur cadette, il se replie sur lui-même. Mais tu connais le monde, boyard ! Les filles en âge de se marier se piquent d’apprivoiser ce jeune ours. Pourtant, leurs attentions l’agacent, il fuit la société. Ah ! Il a bien changé après la mort de sa

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