Le Sang d’Aphrodite
des choses intéressantes, confirma Artem avec un coup d’œil complice. Pour commencer, pas de doute, il s’agit bien du même assassin que pour Olga ! Peut-être, dans le cas d’Anna, a-t-il perpétré son rituel sanglant sans se servir du parfum mythique, mais ce n’est pas certain. Boris a été tellement bouleversé par la découverte du cadavre qu’il a pu oublier ce détail. Mais il y a plus important. C’est en parlant des bijoux d’Anna que Boris a mentionné un élément capital !
— Le meurtrier a-t-il dérobé quelque chose d’aussi précieux que le collier byzantin d’Olga ?
— Pas exactement. Certes, il y a ce bracelet en or que le jeune boyard avait offert à sa sœur…
Artem le décrivit, soulignant que, malgré la valeur de l’objet, on ne pouvait pas comparer ce vol à celui du pectoral d’Olga, mobile possible du crime.
— À propos de bijoux, poursuivit-il, je me demande s’ils ne jouent pas un rôle précis dans le rituel de l’assassin. Mais l’indice essentiel dont je voulais te parler n’a rien à voir avec ça. Outre le bracelet, le meurtrier a emporté un autre objet : une petite dague attachée à une chaîne d’or qu’Anna portait autour du cou. Elle ne s’en séparait jamais. Ce stylet au manche incrusté de pierreries était un joli bijou plutôt qu’une arme. Selon Boris, le criminel l’aurait volé dans l’espoir d’en tirer un bon prix…
— Mais ce n’est pas ton avis ! enchaîna Philippos qui connaissait bien la lueur d’excitation qui s’était allumée dans les yeux du boyard.
— Écoute plutôt : la pointe de ce poignard en miniature était enduite d’un poison qui, sans être mortel, empêche la plaie de cicatriser pendant de longues lunes. Je suis persuadé que l’agresseur l’a emporté parce que Anna a réussi à le blesser !
— Pourquoi ? s’étonna Philippos. Il aurait pu se contenter d’essuyer le sang sur la lame et laisser le pendentif en place. Boris ne se serait aperçu de rien…
— Boris, non, mais les enquêteurs du Tribunal, c’est une autre paire de manches ! Ce stylet aurait sûrement attiré leur attention. Ils auraient questionné Boris et constaté que la substance toxique avait été essuyée. Ils seraient arrivés à la même conclusion que moi : il fallait rechercher un individu présentant une blessure infectée à l’épaule ou à la poitrine. Mais notre homme est malin, il a su tirer son épingle du jeu. Il a compté sur le fait que Boris, bouleversé comme il l’était, se bornerait à signaler le vol des bijoux sans entrer dans le détail. C’est bien ce qui s’est passé ! Quand je l’ai interrogé, il ne s’est souvenu qu’après coup du poison dont Anna avait enduit la pointe de sa dague.
— Tu supposes donc que notre homme porte toujours sur le corps la marque de son crime ?
— J’en ai l’intime conviction.
— Alors, nous tenons un indice de taille ! résuma Philippos avec un large sourire.
Le droujinnik lui assena une bourrade affectueuse. Il pressa le pas, oubliant presque sa vieille blessure au genou qui le faisait boiter légèrement, tandis que Philippos le précédait en gambadant.
Pendant ce temps, Boris se tenait immobile devant la fenêtre de sa chambre située au premier étage. Les mains croisées dans le dos, il contemplait la rue déserte de l’autre côté de la clôture. Depuis le départ de ses hôtes, il était monté ici et n’avait pas bougé de sa place, plongé dans des pensées troubles.
Il se sentait épuisé et tendu à la fois, les nerfs à vif, en proie à une angoisse insurmontable. Pourquoi avait-il permis à ce maudit limier de remuer ses souvenirs les plus douloureux ? Ni Artem ni les autres n’avaient le droit de fourrer leur nez dans sa vie. Son passé ainsi que tous ses secrets lui appartenaient. La Vérité lui appartenait ! Il ne devait pas en dévoiler la moindre parcelle, pour quelque motif que ce soit.
Oui, c’était son devoir envers celles que Dieu avait rappelées à Lui. Envers lui-même, aussi. Parfaitement ! Pour rien au monde, il ne voulait revivre cette souffrance qui était si tôt entrée dans sa vie – beaucoup trop tôt pour qu’il ait pu s’en protéger. La honte et l’humiliation. Insupportables ! Cela avait commencé avec Mère.
— Je t’ai tant aimée ! murmura-t-il. Et je t’ai bien mise en garde, tu ne peux pas le nier. Alors, à qui la faute ?
Maintenant, il ressentait une
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