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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
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pouvant se défendre, se hâta de capituler.
    César arpenta les quais du port, apercevant au large l’île d’Elbe, célèbre pour ses mines de fer. Quelle conquête splendide ce serait ! Mais cela lui paraissait impossible, car il n’avait aucune expérience réelle des opérations navales.
    Il s’apprêtait à renoncer à ce rêve quand il aperçut un groupe de cavaliers se dirigeant vers lui. Stupéfait, il reconnut son frère Geoffroi, Don Michelotto et Duarte Brandao.
    Geoffroi s’avança pour le saluer. Il avait l’air plus grand, plus mûr. Il était vêtu d’un pourpoint vert, de chausses vert et or, ses cheveux blonds tombaient de sous une barrette verte. Il ne dit que quelques mots, mais ils étaient sans ambiguïté :
    — Père te félicite de ta brillante campagne, et il est impatient de te revoir. Il tient à ce que je te dise que tu lui manques. Il t’enjoint de rentrer à Rome sans délai, car le roi de France s’est irrité de tes manœuvres à Bologne et à Florence. Père te met en garde à ce sujet : rien de tel ne doit plus advenir.
    César s’offusqua qu’un tel message lui soit transmis par son frère cadet et comprit que Michelotto et Brandao étaient là au cas où il serait tenté de regimber.
    Il demanda un entretien privé à Duarte, à qui il montra l’île d’Elbe, qu’on apercevait au loin à travers une brume lumineuse :
    — Sais-tu à quel point ses mines de fer sont riches ? Il y aurait de quoi financer une campagne contre le monde entier ! J’aimerais la conquérir au nom de mon père : son anniversaire est proche, ce serait un somptueux cadeau, et j’ai rarement eu l’occasion de lui faire des surprises ! Il est bien maussade, ces derniers temps, je serais ravi de le voir éclater de rire. De surcroît, si rien n’est fait, elle pourrait tomber aux mains des Français dans peu de temps. Toutefois, bien que je désire passionnément m’en emparer pour le Saint-Siège, c’est pour le moment une tâche au-delà de mes capacités.
    Duarte contempla l’île sans répondre. Mais César paraissait si enthousiaste à l’idée de l’offrir en cadeau à son père, qu’il fut tenté de lui venir en aide. Il jeta un coup d’œil sur les quais, où étaient amarrés huit galions génois.
    — Je crois pouvoir accomplir ce que vous désirez, César, pour peu que vos hommes vous suivent. Il y a très longtemps, j’ai commandé des navires et mené des batailles en mer.
    C’était la première fois que César entendait Brandao évoquer le passé avec nostalgie. Il hésita, puis dit doucement :
    — En Angleterre ?
    Duarte se raidit ; César comprit qu’il s’était montré présomptueux et lui posa une main sur l’épaule.
    — Pardonne-moi, ce n’est pas mon affaire. Aide-moi simplement à prendre cette île.
    L’autre se détendit et tous deux restèrent à contempler l’île d’Elbe, sans dire mot. Puis Brandao montra de nouveau les navires.
    — Ce sont de vieux vaisseaux peu maniables, mais fiables, si l’on sait les guider. Je suis par ailleurs certain que les défenseurs de l’île redoutent moins une armée d’invasion que les pirates. Ceux-ci sont censés attaquer le port, c’est donc là que seront concentrées les défenses – canons, vaisseaux, filets d’acier… Il nous faudra trouver une plage tranquille de l’autre côté de l’île, et c’est là que débarqueront vos troupes.
    — Et comment canons et chevaux supporteront-ils un trajet en mer ?
    — Pas très bien, j’en ai peur : les bêtes mourraient de peur et créeraient le désordre ; les canons rouleraient en tous sens, causant de graves dégâts ou même coulant nos navires. Nous nous contenterons donc de fantassins.
    Les deux hommes passèrent près de quarante-huit heures à étudier les cartes et à élaborer une stratégie. Puis les huit galions prirent la mer, chargés d’hommes qui saluèrent gaiement la cavalerie et l’artillerie restées sur les quais.
    Leur allégresse fut de courte durée. Le voyage à travers la baie, d’une grande lenteur, s’accompagna d’un roulis si fort que la plupart d’entre eux furent victimes du mal de mer et se mirent à vomir de tous côtés. César lui-même en souffrit et se mordit les lèvres pour le dissimuler. Michelotto resta impassible ; chose surprenante, Geoffroi aussi.
    Duarte ordonna aux navires de jeter l’ancre dans une baie tranquille, au rivage de sable blanc, derrière lequel s’étendait une plaine

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