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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
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lorsqu’ils arrivèrent aux portes de la ville, la tête de Lucrèce lui tournait, et quand Giovanni, pour une fois souriant, vint l’accueillir, elle l’entendit à peine et, succombant à la faiblesse, tomba de cheval.
    Un serviteur la prit aussitôt dans ses bras et l’emmena au palais. Surpris de la sentir si légère, fasciné par sa blondeur et sa beauté, il la déposa doucement sur le grand lit de plume avant de courir apprendre aux autres quelle beauté était la nouvelle épouse du duc. Adriana et Julia s’affairèrent, réclamant quelque chose de chaud à boire ; Giovanni était déjà retourné auprès de la foule qui attendait, pour expliquer que la duchesse viendrait les saluer le lendemain, une fois qu’elle se serait un peu reposée.
    Cette nuit-là, seule dans sa chambre, perdue dans une ville inconnue, Lucrèce dit ses prières et tenta de dormir un peu. Son père lui manquait horriblement, et César plus encore. Le jour de son départ, il avait promis de lui rendre visite et, si pour une raison quelconque cela se révélait impossible, de lui envoyer Don Michelotto : il accompagnerait la jeune fille au Lac d’Argent, à mi-chemin entre Rome et Pesaro, et tous deux pourraient s’y retrouver, y passer un peu de temps seuls, discuter ensemble, courir dans l’herbe comme quand ils étaient enfants, loin des regards du pape et de ceux qui avaient pour mission de les protéger.
    Penser à César la réconforta un peu ; elle ferma les yeux en imaginant les lèvres de son frère sur les siennes, et finit par s’endormir.
    Le lendemain matin, à son réveil, elle se sentait encore fiévreuse, mais refusa de rester au lit, voulant voir Pesaro, et surtout saluer ses habitants. La pluie avait cessé, le soleil brillait, la chambre paraissait des plus agréables. Certains citoyens de la ville avaient passé la nuit dehors, sur la place devant le palais : elle les entendait chanter par-delà ses fenêtres grandes ouvertes.
    Giovanni lui avait promis de grands bals, des soirées : elle devait se préparer. Avec l’aide d’Adriana, de Julia et de ses dames de compagnie, elle finit par choisir une robe de satin rose à la fois simple et élégante, au corset orné de dentelle vénitienne. Elles lui nouèrent les cheveux sur les côtés, tout en les laissant tomber librement dans le dos, et les ornèrent de perles et d’épingles d’or. Lucrèce fut enchantée de l’effet produit :
    — Ai-je l’air d’une duchesse, au moins ? demanda-t-elle à Julia.
    — D’une princesse ! répliqua celle-ci.
    Sortant sur le balcon, Lucrèce salua de la main la foule massée sur la place. Ils l’acclamèrent à tout rompre, lui jetèrent des couronnes ornées de fleurs ; elle en attrapa une qu’elle plaça sur sa tête, faisant redoubler les vivats.
    Puis il y eut de la musique, des jongleurs, des bouffons qui couraient dans les rues – bref, comme à Rome ! Lucrèce se sentit pleine de bonheur, tant l’affection qu’on lui témoignait la touchait. Elle s’était toujours demandé pourquoi son père et César aimaient tant prendre part aux défilés à travers la ville ; cette fois, elle comprit. Contemplant la marée de visages qui la dévoraient des yeux, elle se sentit beaucoup moins seule.
    Pesaro était une belle ville, la campagne environnante, parsemée d’oliviers, semblait superbe. Et surtout, les reliefs tout proches des Apennins protégeaient la cité. Lucrèce savait pouvoir y être heureuse – si bien entendu elle trouvait le moyen de supporter son époux.
    Le roi de France accordait toute sa foi à l’Église, mais aussi aux présages des constellations célestes. Son conseiller le plus écouté était donc Simon de Pavie, à la fois médecin et astrologue. C’est lui, qui, à la naissance du souverain, avait lu dans les astres qu’il serait un jour le chef d’une grande croisade contre les Infidèles. Dès l’enfance, le futur roi n’avait pris aucune décision importante sans le consulter.
    L’habileté de Duarte Brandao, mais aussi la chance, lui permirent de l’apprendre. Sur ces informations, il échafauda une brillante stratégie. Il était de si bonne humeur qu’il entra en courant dans les appartements du pape pour en discuter avec lui.
    Alexandre était à son bureau, occupé à signer des papiers. Quand, levant les yeux, il aperçut son visiteur, il sourit et congédia tous ceux qui se trouvaient là.
    Se levant, il alla s’asseoir dans son fauteuil favori, non

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