Le sang des Borgia
détente le ferait revivre…
Il avait invité sa jeune maîtresse, Julia Farnèse, à passer la nuit dans son lit. Tandis qu’un serviteur le baignait et lui lavait les cheveux à l’aide d’un savon parfumé, il sourit en pensant à son petit visage, qui le regardait toujours avec admiration et, pensait-il, une sincère affection.
Il s’étonnait qu’une jeune femme aussi belle, aussi charmante, pût être enchantée par un homme qui avait depuis longtemps dépassé l’âge mûr. Il l’acceptait, tout simplement, comme tant d’autres énigmes tout au long de son existence. Certes, il était assez sagace pour savoir que son pouvoir et ses faveurs pouvaient inspirer un profond dévouement. Qu’elle soit sa maîtresse ne pouvait que profiter à sa famille, et donc rehausser sa propre position. Il savait pourtant que cela allait plus loin. Faire l’amour avec Julia lui était un bonheur sans prix. Son désir de plaire à son amant, sa curiosité sans bornes, son innocence même la rendaient follement attirante.
Alexandre avait connu bien des courtisanes superbes, qui avaient beaucoup plus d’expérience que Julia. Mais la réaction de cette dernière au plaisir sensuel était celle d’une enfant pleine d’allégresse ; il en tirait une satisfaction immense, sans pour autant penser que c’était là la relation la plus passionnée qu’il ait connue.
Vêtue d’une robe de velours rouge, Julia fut conduite dans sa chambre. Ses longs cheveux blonds tombaient librement, elle portait au cou un collier de petites perles qu’il lui avait donné la première fois qu’ils avaient fait l’amour.
Il était assis au bord du lit. S’avançant, elle entreprit de se dévêtir et, se tournant, lui demanda :
— Soulève mes cheveux.
Il obéit, humant l’odeur enivrante de lavande qui émanait de sa chevelure, pour prendre dans ses larges mains ses longues boucles blondes. Elle ôta sa robe et la laissa tomber sur le sol.
Elle leva la tête en attendant un baiser ; il dut se baisser pour le lui donner. Julia était plus petite que Lucrèce, plus délicate d’allure. Elle lui passa les bras autour du cou, il la souleva de terre.
— Julia, ma douce, cela fait des heures que j’attends ton arrivée.
Elle sourit ; ils se glissèrent dans les draps de satin.
— J’ai reçu un message d’Orso aujourd’hui, dit-elle. Il veut revenir à Rome et y séjourner quelque temps.
Alexandre dissimula son déplaisir : cette nuit était vraiment trop belle.
— Je regrette, mais la présence de ton mari à Bassanello devra se prolonger encore un peu. Il se pourrait que je lui confie le commandement de certaines de mes troupes.
Julia devina sans peine que son amant était jaloux ; cela se voyait dans ses yeux. Pour l’apaiser, elle se pencha et l’embrassa passionnément. Alexandre prenait toujours soin de lui manifester la plus grande douceur ; il ne voulait pas l’effrayer. Ils avaient déjà fait l’amour bien souvent, mais il s’efforçait à chaque fois d’oublier son propre plaisir pour ne penser qu’au sien. Au demeurant, il redoutait trop de s’abandonner et de laisser sa passion le conduire trop loin.
— Que veux-tu ? demanda-t-elle.
— Je vais m’étendre sur le dos, tu me chevaucheras à ta volonté, répondit-il. De cette façon, tu pourras contrôler ta propre passion, tout en goûtant autant de plaisir que tu pourras en supporter.
Il avait souvent pensé à l’innocence enfantine de Julia ; elle était semblable aux déesses de la mythologie, à ces tentatrices qui jetaient des sorts aux princes et les retenaient à jamais prisonniers.
Elle avait les yeux clos, la tête rejetée en arrière ; lui-même éprouva un plaisir qui lui parut, une fois de plus, un don divin : qui d’autre que Dieu pourrait assurer à l’homme un tel bonheur ?
Le lendemain matin, avant que Julia ne s’en aille, il lui offrit une croix d’or, commandée au meilleur orfèvre de Florence. Elle s’assit sur le lit, nue, pour qu’il la lui passe autour du cou. Tout son visage, tout son corps étaient l’image de la grâce et de la beauté. Une fois de plus, Alexandre fut convaincu de l’existence de Dieu : personne sur terre n’aurait pu concevoir une telle perfection.
7
Le médecin du pape accourut en toute hâte au Vatican pour l’avertir que plusieurs cas de peste venaient d’être découverts à Rome. Inquiet, Alexandre convoqua aussitôt sa fille.
— Il est temps que tu partes pour
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