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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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d’une cabane pouvant héberger six personnes au milieu de fourrés de cèdres en bordure de la South Canadian, un affluent du fleuve Oklahoma. Le toit était en gazon et, pour qu’il reste vert, j’avais prévu un arrosoir ; à l’intérieur, j’avais fabriqué des lits de camp et ménagé des meurtrières dans les parois pour pouvoir tirer et pour l’aération. Bryant suspendit une couverture navajo à l’entrée en guise de porte, chaparda une cheminée quelque part et confectionna un fourneau en briques à quatre feux. Pierce nous rejoignit une fois qu’il eut vendu les bêtes de Starmer pour le compte d’Annie Walker et mania la machette pendant trois jours dans des buissons d’osier afin de créer un corral de branchages qui lui arrivait à la hauteur du cou et qui était assez grand pour accueillir une trentaine de canassons. À cent mètres de distance, notre repaire était à peine visible ; à quatre cents, c’était comme s’il n’était pas là.
    Après le dîner, je pansais les chevaux, j’enlevais la crasse à la surface de leur eau, puis, avec mes jumelles, je faisais quelques kilomètres à pied dans l’herbe à bison jaune si haute qu’elle ensemençait mes poches de chemise. Je m’accroupissais au sommet d’une butte et j’observais, à huit kilomètres de là, une ferme où une femme se lavait les cheveux dans un abreuvoir, le haut de sa robe grise rabattu jusqu’à la taille. Ou j’épiais un homme qui dodelinait sur une haridelle apathique sur le chemin de charroi des monts Gloss  – quand je ne me bornais pas à admirer mon œuvre de loin. Vers la fin de l’été, Bill Powers prit l’habitude de venir fumer sa pipe calebasse sur le pas de la porte et Dick Broadwell de dévaler la ravine conduisant à la rivière, puis de reparaître au bout d’un moment en se reboutonnant et en rentrant sa chemise rouge dans son pantalon. C’était une résidence estivale agréable et lorsque la nouvelle se répandit, tout ce que l’Oklahoma comptait de mauvais garçons divers et variés commença à nous rendre visite, à s’y donner rendez-vous ou à venir y dormir une nuit au frais. L’endroit acquit même une certaine réputation. Quand j’ai épousé Julia et déménagé en Californie après avoir purgé ma peine de prison, puis été policier à Tulsa, l’une des premières choses que j’ai faites a été de proposer à un type de lui creuser un sous-sol pour cinquante dollars. C’était en 1918. Ça fait maintenant presque vingt ans que je suis entrepreneur du bâtiment.
    Bryant logeait à son camp de vachers de Buffalo Springs, tandis que les rodéos et les courses de chevaux occupèrent Pierce tout l’été ; quant à Broadwell, Doolin et Powers, ils ne survinrent guère avant juillet, de sorte que la seule autre personne en dehors de moi qui habitait en permanence à l’abri était un cow-boy noir de quarante-quatre ans nommé Amos Burton, qui avait été élevé par des Blancs et était un bon ami de Bob. Il allait chercher en Victoria de la farine, des haricots et du bicarbonate de soude au hameau de squatters de Taloga ou chargeait son fusil et longeait la rivière en remplissant au fur et à mesure un sac à céréales de lapins, d’écureuils, de tétras et de dindons sauvages. Quant à moi, l’après-midi, je m’allongeais sur mon lit sous un carré de lumière et je parcourais le catalogue de vente par correspondance Sears Roebuck en montrant du doigt les objets qui me faisaient envie, pendant qu’Amos fredonnait tout seul en taillant des appeaux à canards dans des faines de hêtre.
     
     
    En juin, un dimanche, j’avais effectué une visite à Bartlesville chez Julia Johnson, qui était parvenue à persuader ses parents comme elle-même que les allégations des chemins de fer et de la Wells Fargo à mon encontre étaient grotesques ; pourtant, en dépit de mes efforts acharnés pour faire de l’humour, elle me semblait distante et maussade et j’ai eu peur de la perdre à jamais. Nous nous sommes promenés sous les arbres fruitiers et j’ai pataugé dans la Caney, le jean remonté jusqu’aux genoux, contemplant l’eau qui se mouvait sur mes orteils. J’ai dîné de jarret de porc et de haricots blancs à la même table que des femmes vêtues de robes malodorantes et des ouvriers agricoles à bretelles dont les chemises blanches étaient souillées de taches marron aux aisselles. Puis j’ai fumé une cigarette sur la véranda en compagnie de

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