Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
main :
— Il y a quand même un juste milieu entre le suicide et l’obéissance honteuse ! Était-il encore ivre pour clamer de pareilles stupidités ?
— Sans aucun doute.
— Cet imbécile ferait bien de garder sa langue dans sa bouche où nous allons bientôt tous nous retrouver dans une fâcheuse situation !
— C’est évident, fit Pomponius d’un air entendu. Nous le tiendrons désormais à l’écart de nos discussions.
— Et Cicero ?
Ce fut à Messala de prendre la parole :
— Cicero est un lâche. As-tu oublié comment il s’est comporté avec Caracalla ? Il ne fera jamais rien qui puisse le mettre en danger.
— Alors combien sommes-nous ? demanda Scaber, visiblement inquiet.
Les quatre sénateurs tournèrent, tous ensemble, leurs regards vers Pomponius.
— Nous pouvons compter sur Manius Fabius, annonça celui-ci. Je le crois fiable, même s’il agit pour des motifs assez mesquins.
— Lesquels ?
— Héliogabale a fait préposer au poste de curateur des routes de la Narbonnaise un serrurier de Subure. Or, il y a longtemps que Fabius briguait cette charge pour son neveu… Il en est malade.
— Un serrurier… ! s’indigna Scaber. Mais jusqu’où ce pauvre fou ira-t-il ?
— Le serrurier en question ne sait ni lire ni écrire, mais il possède une mentula de bonne taille…
— Aucun empereur n’était jamais tombé aussi bas ! s’emporta Messala. On en avait déjà vu accorder des faveurs particulières, mais jamais sur le seul critère de la grosseur d’un phallus !
— Qui d’autre ? s’enquit encore Scaber.
— Sextus Luscus.
— Tu m’en vois ravi, déclara Messala. Luscus est un homme de grande valeur.
Tous opinèrent du chef, pour approuver cette affirmation.
— Appius Nasica m’a paru également très résolu, poursuivit Pomponius. Il est prêt à tout pour venger la mort de son fils.
Cette fois Messala eut une grimace réticente :
— Cet homme est égaré par la douleur et la haine.
Quelques semaines auparavant, le fils aîné de Nasica avait commis l’imprudence de consulter un devin pour connaître la date de la mort de l’empereur. Varius, sans que l’on sache comment, en avait été informé et naturellement irrité. Deux jours plus tard, le jeune Nasica était égorgé près de la porte d’Ostie, alors qu’il sortait d’une auberge.
— Inutile de juger les motifs de ceux qui veulent la fin d’Héliogabale, dit Pomponius. Il est évident que tous n’agissent pas pour l’amour du bien public, comme Luscus, mais cette question reste superflue. Nous ne serons jamais assez pour abattre le Syrien.
— Justement, précisa Scaber, en comptant Fabius, Luscus et Nasica… avec nous quatre, cela ne fait que sept. Ce n’est pas suffisant.
— Malheureusement, je doute que nous arrivions à convaincre les autres, fit Pomponius. L’idéal serait de nous concilier une grande partie du Sénat, en particulier les consuls… mais la plupart sont terrorisés. La sauvegarde de leurs honneurs et de leur fortune, quand ce n’est pas simplement celle de leur vie, les maintient dans une servilité répugnante.
Il s’interrompit, hocha la tête d’un air las.
— Le Syrien nous appelle « les esclaves en toge ». Il n’a pas tout à fait tort…
Cette réflexion confondit les trois autres sénateurs par sa cruelle justesse. Un silence gêné s’abattit sur le petit groupe.
— Peu importe combien nous sommes, décréta Messala pour rompre la morosité ambiante. Le courage et la détermination valent plus que le nombre !
Après le décompte de leurs alliés, vint la question, non moins cruciale, des moyens de se débarrasser du tyran.
Lucius Scaber proposa que l’on soulève les cohortes urbaines et les vigiles.
— Tu omets un détail important, lui fit remarquer Messala. Les cohortes urbaines sont aux mains du préfet de la ville. Or, il n’y a pas de chien plus fidèle à son maître que ce Valerius Comazon.
— Alors, nous devons nous servir de l’armée, conclut Scaber.
— C’est évident, approuva Columba. À ce propos, avez-vous entendu les rumeurs ? Le bruit court qu’un certain Seius Carus est en train de nous couper l’herbe sous le pied… Il paraît que cet homme pousse la légion d’Albanum à la révolte. Il aurait déjà promis aux soldats un important donativum.
En général, les troupes stationnées à Rome étaient peu nombreuses, dans la mesure où elles représentaient une
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