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Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Titel: Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emma Locatelli
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gladiateurs.
    Rusticus contra les coups avec seulement le manche de son trident, comme s’il parait l’attaque d’une fillette. Et chaque fois qu’il rejetait à droite ou à gauche le glaive de Ciconia, il répétait :
    — Plus fort ! Plus fort ! Allez, frappe !
    À force de lever et d’abattre son arme, le sénateur fut bientôt sans souffle et dut s’immobiliser pour reprendre sa respiration. Rusticus, sentant qu’il n’en tirerait plus rien, décida de hâter la fin du combat, afin de conserver, dans cette lamentable exhibition, le prestige qu’il avait chèrement acquis dans l’arène en cinq ans de combats acharnés.
    Il enfonça les pointes acérées de son trident dans le gras de l’épaule, puis dans le bourrelet du ventre, puis encore dans le haut de la cuisse.
    — À moi ! À moi ! hurla Ciconia en lâchant pour de bon son bouclier et son glaive, et en s’enfuyant, courbé et sanguinolent, vers les arcades.
    Les spectateurs riaient toujours aux éclats et Varius était au comble de la félicité. De temps à autre, il essuyait ses yeux mouillés de larmes avec un pan de sa robe de soie mauve.
    Rusticus se mit à poursuivre le grotesque mirmillon qui décampait vers les sorties. Mais il n’eut pas à courir. Quelques enjambées lui suffirent à rattraper Ciconia qui, déjà, était au bord de l’évanouissement. Le géant jeta alors son filet pour l’immobiliser. Ciconia parvint à éviter le piège de cordages une fois, deux fois, trois fois, en faisant des petits sauts désespérés. Il se déplaçait avec une telle pesanteur et un tel effort qu’il semblait, à chacun de ses bonds, prendre la résolution la plus énergique de sa vie. Mais à la quatrième tentative, exténué et suffocant, définitivement immobilisé par son embonpoint, il finit par se traîner sur le sol et s’avoua vaincu.
    — Pourquoi se laisse-t-il tomber à terre ? s’écria Varius, contrarié, en se redressant dans sa loge. Ai-je dit que cela suffisait ?
    — Il n’en peut plus, fit Soemias. Regarde-le, il ne peut même plus ramper.
    — Et alors ? Est-ce une raison pour s’arrêter maintenant ? Ai-je dit que c’était assez ?
    Rusticus lança une dernière fois son filet et emprisonna le sénateur. Immobilisé et définitivement prisonnier de son adversaire, Ciconia s’étala sur le sol, comme une flaque de graisse. Le sang qui s’écoulait de ses blessures avait tracé un chemin rouge sur le sable blond de l’arène.
    — Le pêcheur a attrapé le vilain poisson ! dit Varius avec un sourire de satisfaction.
    — Ton poisson n’est pas très frétillant, lui fit remarquer Soemias, qui trouvait, comme le public, le spectacle assez lamentable.
    — Soit, concéda l’empereur, en grimaçant. C’est vrai que cette grosse baleine de Ciconia n’est pas très convaincant dans son rôle de mirmillon. Il me déçoit beaucoup !
    Dans l’arène, le sénateur allongé sur le ventre, les mains sur la tête, pleurait en faisant des bruits de phoque.
    — Demande ta grâce, lui dit Rusticus en le regardant avec pitié. Lève le doigt.
    Ciconia se retourna sur le dos et leva l’index de la main gauche, effectuant ainsi le geste traditionnel des vaincus. La foule était redevenue hystérique. Les cinquante mille spectateurs se disputaient sur les gradins, s’invectivaient, poussaient des cris à s’en déchirer les tympans. Le peuple réclamait la mort alors que, dans les premiers rangs, les sénateurs demandaient en hurlant la clémence.
    —  Jugula (122)  ! exigeait la plèbe en baissant le pouce.
    —  Mitte (123)  ! criaient les Pères conscrits et les chevaliers, le pouce levé.
    Alors Varius se mit debout dans la loge impériale, car le moment de sa toute-puissance et de sa jouissance était venu. Pénétré par les cris que les milliers de bouches proféraient des tribunes, il ferma les yeux, comme s’il entrait en extase. De lui dépendait le sort du vaincu et cette idée le mettait au paroxysme du bonheur.
    La plupart du temps, lorsque le gladiateur s’était vaillamment battu et que la foule, dans sa majorité, voulait qu’il ressorte vivant de l’arène, il lui accordait, à regret, sa grâce. Mais cette fois, manifestement, le peuple réclamait le châtiment. Seuls les sénateurs, faisant corps dans la révolte, osaient encore prétendre qu’on laissât la vie sauve à ce couard.
    —  Jugula ! Jugula ! vociférait encore la foule écumante.
    L’empereur rouvrit les

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