Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
tout à coup empli la cavea fut rompu par un immense éclat de rire général. Jamais, de mémoire de Romain, on n’avait vu un gladiateur aussi ridicule. À la place des splendides et sculpturaux combattants auxquels le public était habitué, se tenait un petit homme obèse, rouge de sueur et de peur.
Son énorme ventre dégoulinait par-dessus sa ceinture en un bourrelet flasque. Ses cuisses nues étaient grosses, blanches et poilues. Ses petits doigts boudinés, comme des chapelets de saucisses, serraient mollement le glaive, trop lourd pour lui, et s’agitaient avec des tremblements nerveux. Son corps n’avait plus de cou et son double menton s’enfonçait dans l’amas de graisse qui enrobait ses épaules, tandis que sur son torse, le lard lui faisait comme deux seins mous et pendants.
— Voilà ma surprise ! s’exclama Varius, au comble de la joie, en tapant des mains.
— Mais qui est-ce ? demanda sa mère.
— C’est ce gros porc de Ciconia ! répondit Varius, secoué de rire.
— Un sénateur ? Tu ne crois pas que tu pousses la plaisanterie un peu trop loin ?
— Si tu n’aimes pas ma surprise, tu peux toujours t’en aller ! répondit Varius, vexé que Soemias n’apprécie pas à sa juste valeur son imagination et son fabuleux sens de l’humour.
— Rusticus va le massacrer !
— Certes, répliqua Varius en faisant claquer sa langue. Et je crois que nous allons bien nous amuser.
Dans l’arène, le pauvre Ciconia et l’immense Rusticus se faisaient face. Visiblement, l’un comme l’autre ne savaient pas très bien comment ils devaient commencer ce qui n’allait être qu’un simulacre de combat. La foule, hilare et fébrile, applaudissait à tout rompre. Le choc de dizaines de milliers de paumes, frappées en cadence, roulait comme un long et étourdissant grondement de tonnerre.
Pourtant, au centre de l’amphithéâtre, il ne se passait toujours rien. La technique du rétiaire consistait à fuir devant les attaques de son adversaire et à attendre le moment opportun pour lancer son filet afin de l’immobiliser. Mais cette fois, l’adversaire en question ne se montrait pas très offensif. Ciconia, au contraire, restait planté au milieu de l’arène, sans esquisser le moindre mouvement. Paralysé par la terreur, il jetait autour de lui des regards éperdus.
— Attaque ! lui conseilla Rusticus, déconcerté d’avoir à affronter un si piètre adversaire. Tu dois te battre si tu veux sauver ta vie !
Le sénateur l’entendit mais ne bougea pas d’un pouce pour autant. De grosses gouttes de transpiration coulaient sur son front et le long de ses joues bouffies, lui troublant la vue.
— Essaie de me frapper ! lui lança encore le géant. Vas-y, frappe !
Alors Ciconia essaya de lever son glaive et se rapprocha de Rusticus. Celui-ci esquiva facilement le coup, donné avec si peu de vigueur, et fit trois pas sur le côté.
— Encore ! dit-il pour encourager son adversaire.
De nouveau, le glaive manqua sa cible et, comble du pitoyable, échappa des mains de Ciconia qui le regarda tomber d’un air déconfit.
— Ramasse-le ! ordonna Rusticus, qui perdait patience.
On commençait à percevoir, entre les rires, les sifflets de quelques spectateurs qui huaient les deux gladiateurs.
Aussi, lorsque l’obèse se pencha pour reprendre son arme, l’autre le piqua de son trident dans la cuisse. Le coup, destiné seulement à le faire réagir et à stimuler son énergie, ne fut pas très violent. Il suffit pourtant à entailler les chairs du sénateur et un peu de sang s’écoula de la plaie.
Ciconia se mit à crier et tomba à genoux sur le sable.
— N’implore pas, dit Rusticus. Lève-toi et frappe !
Alors, Ciconia ramassa son glaive en grimaçant, boitant sur sa jambe blessée. Il ne voyait plus rien que les perles de son sang qui sortait de l’entaille, n’entendait plus rien que les bruits que faisaient les battements affolés de son cœur dans sa grosse poitrine.
Une seconde estocade le toucha au bras gauche et fit de nouveau une vilaine marque rouge sur sa peau laiteuse. Rusticus s’énerva.
— Si tu ne te défends pas, je vais être obligé de te tuer tout de suite, le prévint-il en montrant son poignard à sa ceinture.
L’instinct de survie donna enfin au pauvre homme la force de se jeter contre le rétiaire et de le frapper. Mais il manquait à ses gestes la force, la sauvagerie cruelle et surtout l’adresse des vrais
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