Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
qui avait alors treize ans, en paraissait à peine onze, mais son beau visage reflétait une gravité d’adulte.
— Va rejoindre Scaurinus, lui dit la princesse. Ton maître t’attend à côté.
La voix était posée, mais le ton froid et dénué de tendresse. L’adolescent s’éclipsa discrètement, après avoir déposé un baiser sur la joue de sa mère.
— Approche, fit Mammaea en s’adressant cette fois à Annia.
Celle-ci fit quelques pas. Parvenue à sa hauteur, elle observa avec attention le visage de la princesse, son maquillage léger mais précis, qui reprenait la ligne dure des sourcils, ombrait trop sévèrement le renflement des paupières tombantes. Elle la trouva laide et triste. Son écharpe et sa robe glauques s’accordaient à verdir encore son teint olivâtre. Sentant l’examen auquel elle était soumise contre son gré, Mammaea eut un petit mouvement irrité.
— Eh bien ? dit-elle. Pourquoi as-tu demandé audience ? Que puis-je faire pour toi ?
Dans un geste impulsif, Annia lui saisit les mains pour les embrasser et lâcha une plainte d’animal blessé.
— Mon époux a été arrêté, annonça-t-elle dans un souffle.
— Je le sais, répondit la princesse sans émotion. Les nouvelles vont vite au palais.
— Je viens te supplier de l’aider.
Mammaea retira ses mains.
— Je ne suis pas en mesure de l’aider.
— Ta mère, Julia Maesa, tient les rênes de l’Empire. C’est une femme sage et avisée. On dit qu’elle a encore un peu d’influence sur l’empereur. Je t’en prie, parle-lui !
— Ma pauvre mère n’a plus aucune autorité sur mon neveu, répliqua Mammaea d’un air dégoûté.
Avant d’ajouter, en réponse au regard pathétique que lui lançait Annia :
— Personne n’a plus d’autorité sur ce gamin.
Nulle ombre de pitié ne passa sur la figure austère de la princesse et Annia dut tourner la tête pour cacher les larmes qui humectaient de nouveau ses yeux. Elle maîtrisa, d’une petite grimace, les sanglots qui menaçaient de l’empêcher de parler. Mammaea, peu disposée aux lamentations, lui fut reconnaissante de cette pudeur. Elle-même ne manifestait jamais ses sentiments. Pas une fois dans sa vie, son visage sévère n’avait trahi les grands tumultes de l’âme et du cœur, ce dont elle se réjouissait comme d’une force. Mammaea détestait tout ce qui était désordre sentimental, pleurs, gémissements, cris et emportements.
— Ta mère parviendra peut-être à le faire changer d’avis, insista Annia en laissant échapper, malgré sa bonne volonté, quelques larmes. Cela ne coûte rien d’essayer.
Mammaea fit un geste d’impatience emportée.
— Ton mari s’est mis dans une situation compromettante. Vouloir attenter à la vie de l’empereur est le plus grave crime qu’on puisse commettre. Comment imagines-tu le sauver ?
— Il n’a jamais eu l’intention d’assassiner l’empereur ! Tout cela n’est qu’un tissu de mensonges !
Le haussement désinvolte des épaules, le soupir condescendant de Mammaea révoltèrent Annia comme autant de gestes de mépris.
— Je te supplie de parler à Maesa !
— Tu ignores tout de ce qui se passe ici, fit la princesse en s’écartant. Et tu t’es lourdement trompée en croyant que tu trouverais, dans cette famille, un quelconque soutien.
Elle marqua une pause, avala sa salive avec répugnance :
— Ma sœur Soemias encourage toutes les excentricités de son fils. Elle voue à cet enfant débile une vénération sans limites. L’ignorais-tu ? Quant à ma mère, si elle n’approuve pas le comportement de Varius et se trouve impuissante à corriger ses excès, elle couvre néanmoins toutes ses folies.
Mais elle ne tira pas de sa réplique l’effet qu’elle escomptait, car Annia s’écria :
— Je suis sûre que ta mère ne le laissera pas condamner un honnête citoyen, qui plus est un sénateur !
— Ma mère, poursuivit Mammaea d’un ton horriblement neutre, n’a jamais entrevu son avenir politique que dans une alliance étroite avec Varius. D’ailleurs… elle est déjà au courant de ton affaire. Dois-je te l’avouer ? Je suis certaine que c’est elle-même qui a ordonné l’arrestation de ton époux.
Annia devint livide et l’autre continua de parler, avec ce débit lent et trop calme :
— Tout comme elle a ordonné l’exécution de Paetus et de Carus, parce qu’ils mettaient en danger le trône de son petit-fils et sa
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