Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
cernés par les fatigues du plaisir. Seule la jeunesse, mais pour peu de temps encore, maintenait la figure ravagée de l’adolescent en deçà de la laideur.
Puis le regard de la princesse se posa sur le corps nu et endormi de son petit-fils, ce corps abandonné, si souvent offert, si souvent avili. Elle nota les hanches élargies, la rondeur des épaules et du ventre, les fesses lourdes et la chute de reins plus accusée. L’adolescent androgyne mais néanmoins athlétique et nerveux avait à présent les formes d’une vraie fille. Disparus la légère saillie des os, le relief des muscles. Les cuisses épilées, aux contours renflés, exposaient au regard la chair grasse et pulpeuse d’une femme faite.
Un bruit le réveilla et il ouvrit les yeux. Il se tourna vers sa grand-mère, la considéra avec surprise, entre ses cils fardés.
— Qu’est-ce que tu fais là ?
— Je suis venue te voir… et discuter un peu.
— Tu m’as réveillé, accusa-t-il d’une voix éraillée.
— Pardonne-moi.
Il ne fit pas l’effort de se redresser et de cacher sa nudité en remontant le drap.
Au contraire, il s’étira longuement, paresseusement, puis fixa ses pieds avec un sourire provocateur.
— Sais-tu pourquoi j’ai de jolis pieds ? demanda-t-il à Maesa très sérieusement.
— Non, dit la princesse.
— C’est parce que mes orteils ne se chevauchent pas.
Maesa demeura interdite. Comment pouvait-il dire de pareilles idioties avec une telle crânerie, et si sentencieusement ?
— Bon, vas-y, parle, dit-il finalement en soupirant d’ennui.
— J’ai cru comprendre que tu n’étais plus disposé à te marier.
— Tu as tout compris.
— Tu renonces donc à avoir un héritier ?
Il bâilla sans raffinement.
— Je serai mon propre héritier.
Maesa s’assit au bord de sa couche, s’obligea à croiser son regard vitreux.
— Les sénateurs se plaignent que tu n’assistes jamais aux assemblées et les soldats râlent à cause du peu d’intérêt que tu leur portes.
— Grand-mère, je suis fatigué d’entendre toujours les mêmes reproches. C’est lassant…
— Je ne suis pas venue ici pour te faire des reproches, mon garçon. J’ai eu une idée qui, je pense, devrait te plaire.
Varius passa une main dans ses cheveux défaits, y cueillit un bouton de rose qu’il porta à ses narines.
— Ah oui ?
Décidée à ne pas perdre son temps dans des préambules inutiles, sa grand-mère opta pour une question directe :
— Je sais l’affection que tu portes à Alexianus. Pourquoi ne l’adopterais-tu pas ?
Contrairement à Soemias, Varius ne parut ni étonné ni choqué par cette proposition. Il continua d’observer Maesa du même regard indifférent et répondit avec tranquillité :
— C’est vrai, j’aime beaucoup Alexianus.
Encouragée par cet aveu de bon augure, la princesse poursuivit sur le même ton, bien décidée à lui faire accepter l’idée, en plus de l’adoption, de la collation des pouvoirs impériaux.
— Je sais à quel point tes devoirs de grand prêtre te tiennent à cœur et je sais aussi que le temps te manque pour t’y consacrer pleinement. Si tu déléguais la charge de l’Empire à Alexianus, Élagabal t’en serait sûrement reconnaissant.
L’adolescent fit tourner le bouton de rose entre ses doigts potelés :
— Laisser le gouvernement de Rome à mon cousin ? Pendant que je me consacrerai entièrement au culte du Soleil Invincible ?
— Oui.
Il se caressa nonchalamment les mamelons avec le bouton de sa fleur, en faisant mine de réfléchir. Maesa détourna les yeux, troublée par ce geste machinal et lascif, tandis que Varius, l’œil suave, s’amusait de sa gêne. Puis il jeta nonchalamment la rose par terre.
— L’exercice du pouvoir n’est pas dissociable du sacerdoce, déclara-t-il. Je suis empereur et prêtre. Ta proposition me semble être un non-sens.
Sa grand-mère ne se laissa pas démonter :
— Alors laisse-moi reformuler ma proposition : vous gouvernerez tous les deux, toi et Alexanius. Ensemble. Le père et le fils.
Le silence s’étira dans la chambre, rompu tout à coup par le rire étouffé de Varius.
— Alexianus, mon fils ? pouffa-t-il en portant sa main à sa bouche. Ne serait-ce pas là une anomalie de la nature ? Un garçon de dix-sept ans père d’un enfant de treize ans ?
— L’adoption est une pratique courante et bien des empereurs ont eu recours à cette procédure pour
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