Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
désigner leur successeur.
— Et le petit chéri, qu’en pense-t-il ?
— Je n’ai pas cru bon d’informer ton cousin de nos projets. Mais je suis certaine que ce sera pour lui un honneur d’être ton héritier. Il t’admire et te tient pour le plus grand empereur que Rome ait jamais connu.
Varius ne réagit même pas à cette manœuvre, trop fatigué pour discerner dans cet éloge la perfidie du mensonge.
— J’accepte qu’Alexianus devienne mon successeur, dit-il, et je suis prêt à le faire César. Mais si mon… fils doit gouverner avec moi, il devra aussi devenir grand prêtre du Soleil.
Sachant combien cette idée déplairait à Mammaea, Maesa hésita.
— Est-ce indispensable ? dit-elle d’une voix plus basse, mais sans changer l’expression affable de son regard.
— Ça l’est, répondit Varius.
Elle sut brider son irritation, se racla la gorge pour pouvoir lui faire une réponse laconique qui ne l’engagerait pas :
— Alexianus fera ce qu’il doit faire.
Cette fois, la ruse n’échappa pas à Varius.
— Alexianus fera ce que je lui dirai de faire, rectifia-t-il.
— Bien sûr, fit Maesa. Tu restes l’empereur. Il ne sera que co-empereur.
L’adolescent lui jeta un regard perçant qui contrastait avec l’indolence de son attitude.
— Et grand prêtre d’Élagabal ?
— Et grand prêtre d’Élagabal, dut finalement lui concéder Maesa.
— Bien, voilà une chose entendue, conclut Varius en soupirant. Maintenant laisse-moi, grand-mère ; j’ai besoin de dormir.
Il enfouit sa tête ébouriffée dans la tiédeur moelleuse du traversin et se retourna sur le ventre, offrant à Maesa la vision de ses fesses blanches.
CHAPITRE XXXII
Le 26 juillet 221, l’adoption était officialisée par le Sénat romain. Alexianus fut déclaré fils légitime de Marcus Aurelius Antoninus et reçut, en même temps que les titres d’imperator et de César, le nom illustre d’Alexandre, en souvenir du célèbre Alexandre le Grand.
C’est dans l’esprit roué de Maesa que germa l’idée de lui faire changer de nom en l’associant au pouvoir. L’aïeule était convaincue qu’un tel cognomen ne pouvait que rehausser la gloire de son second petit-fils et que le peuple, dans sa naïveté, serait naturellement enclin à faire l’amalgame entre les qualités du glorieux conquérant et celles du jeune César. Pour rendre le rapprochement encore plus crédible, Mammaea, quant à elle, avait poussé le ridicule jusqu’à rappeler aux clarissimes que son rejeton était né, non pas à Émèse, mais à Arca, dans un temple consacré à Alexandre le Grand. Et d’ajouter à cette invention que son garçon avait sucé, dans sa prime jeunesse, le lait d’une nourrice dénommée Olympias et qu’il avait eu un pédagogue appelé Philippe (133) ! Le jour de l’adoption, un dernier mensonge, enfin, vint couronner l’édifice de ses affabulations, lorsqu’elle annonça que l’anniversaire d’Alexianus tombait le jour même de la mort du grand roi macédonien, signe qui ne pouvait qu’impressionner les âmes, ô combien superstitieuses, des Romains.
Tous les Pères conscrits décrétèrent donc, à l’unanimité, « l’empereur Antonin Bassianus, père d’Alexandre », officialisant avec le plus grand sérieux cette filiation invraisemblable. Varius, de son côté, ne put s’empêcher d’interrompre la cérémonie en éclatant de rire et de faire, comme à son habitude, un trait d’esprit, en se félicitant publiquement, avec un large sourire narquois, « d’être devenu tout à coup le père d’un si grand enfant ! ».
Mais peu importait le ridicule de la situation. Maesa triomphait, Mammaea jubilait et Soemias ruminait sa défaite. Varius, lui, pensant à tort avoir mis fin aux dissensions entre les membres de sa turbulente famille, rayonnait d’une joie simple et gamine.
— Tu as fait une grosse erreur ! lui reprocha Soemias sitôt la cérémonie achevée. Tu n’aurais jamais dû consentir à cette adoption !
— J’ai bien fait, au contraire, la rassura Varius. Maintenant je tiens Alexianus à ma merci et je peux le soustraire à l’influence pernicieuse de Mammaea. C’est à moi, et à moi seul, qu’Alexianus devra désormais obéir. Et ne t’inquiète pas, je n’ai pas l’intention de lui laisser ne serait-ce qu’une miette de mon pouvoir. J’ai d’autres projets : je compte l’initier au culte du Soleil et faire de lui mon second
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