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Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Titel: Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emma Locatelli
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conducteur. Hiéroclès eut à peine le temps de tirer le poignard glissé dans sa ceinture et de couper les rênes enroulées autour de sa taille avant d’être projeté au sol, tandis que sa fragile caisse de bois, entraînée par les chevaux, se disloquait et s’écrasait sur la piste. Il roula sur le sable, se mettant instinctivement hors du danger d’être piétiné par les autres concurrents. Malheureusement, le cocher des Verts, moins rapide à se libérer de ses sangles et toujours prisonnier de son char, alla se fracasser violemment contre l’une des bornes.
    Claudius sursauta en poussant un cri aigu.
    — Quoi ? demanda Varius qui n’avait rien vu de la scène.
    — C’est Hiéroclès ! Il a percuté le char des Verts ! Il est… Il porta ses mains baguées devant sa bouche :
    — Il est mort !
    Varius, brusquement sorti de son ennui, concentra enfin son attention sur la course.
    — Oh… Le petit chéri de Gordius a perdu, déclara-t-il avec un sourire indifférent.
    — Non, il est vivant ! s’exclama Claudius qui tremblait encore. Regarde, il se relève !
    Hiéroclès, en effet, s’était remis debout et ramassait son casque, tombé dans sa chute.
    L’empereur, qui jusque-là n’avait guère porté d’intérêt aux participants, observa le jeune cocher qui sortait de la piste, l’air fier et la tête haute, malgré sa défaite. Ses yeux s’attardèrent sur ses épaules larges, son torse puissant, les muscles saillants de ses cuisses et de ses mollets, enserrés dans les bandes molletières. Il le trouva naturellement très beau et, ce qui n’était pas pour lui déplaire, magnifiquement arrogant.
    —  Veni, vidi… dit-il à Claudius en se levant, avec un sourire satisfait. Maintenant rentrons.
    — Déjà ?
    — Tu voulais que je voie Hiéroclès, c’est fait. Je l’ai vu et je ne regrette pas d’être venu.
    Le soir même, bien qu’il n’eût remporté ni la palme ni la bourse dues au vainqueur, le jeune cocher était convié à rejoindre l’empereur au palais.
    Varius lui fit l’honneur de sa table et l’installa à sa gauche, entre lui et Gordius, sur un lit garni de plumes et recouvert de coussins en soie.
    Tous les favoris du prince étaient également réunis dans le grand triclinium. L’adolescent, qu’un événement nouveau semblait avoir rendu miraculeusement à la vie, les avait tous rassemblés pour fêter son retour dans l’univers infini des plaisirs et des voluptés. Comme à l’ordinaire, le vin coula à flots dans les coupes et les plats se succédèrent au rythme des divertissements.
    Avec les entrées, melons d’Ostie, asperges, laitance de murène, poulpes, homards et huîtres crues arrosées de garum, défilèrent les chanteurs, les jongleurs, les cracheurs de flammes, les acrobates et les montreurs d’animaux savants. Entre les poissons et les viandes, Myrismus déclama des vers ridicules et se livra à une parodie d’une célèbre tragédie grecque.
    Cette petite scène comique terminée, Claudius s’adressa à Gordius :
    — Sais-tu que Hiéroclès a failli mourir cet après-midi ? Il s’en est fallu de peu pour tu le ramasses à la cuiller dans le grand cirque !
    Gordius posa une main tendre et possessive sur l’épaule de son jeune amant.
    — Je sais, dit-il en coulant un regard affectueux vers lui.
    En surprenant cette marque d’affection, l’empereur éprouva un pincement au cœur, qui ressemblait fort au dard de la jalousie. Et lorsque Gordius se mit à caresser le bras du jeune cocher, il ne put comprimer une petite toux convulsive.
    Son attirance pour Hiéroclès n’avait cessé de grandir depuis qu’il l’avait aperçu sur la piste, bien que celui-ci ne fût pas joli garçon, du moins au sens où les Romains pouvaient l’entendre alors. L’aurige ne possédait ni ce teint délicat, ni ces traits parfaits, dessinés au pinceau, des beautés classiques. Il n’avait strictement rien de ce raffinement, de cette élégance naturelle ou de cette grâce sensuelle dont on suppose naturellement comblés les grands séducteurs.
    C’était une œuvre monumentale, une statue colossale, magnifique à distance, mais à vrai dire assez grossière dès qu’on la contemplait de près. Ses cheveux blonds, aux reflets roux, frisaient en boucles rebelles sur un front trop bas ; son nez court et un peu fort, légèrement dévié, ressemblait à celui d’un lutteur et une longue cicatrice barrait sa joue droite jusqu’à la

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