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Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Titel: Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emma Locatelli
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saillie tranchante de la mâchoire. Mais dès qu’il fut tombé sur ce visage buriné, taillé à la serpe, et sur ce cou large de taureau, le cœur de Varius avait cessé immédiatement de battre, comme touché par la foudre.
    Le repas continua pourtant sans qu’il n’osât une seule fois lui dire un mot, tant il se trouvait impressionné par sa présence à ses côtés. Plusieurs fois il chercha, en vain, à accrocher le regard de cette masse brute, mais, sous les sourcils durs et volontaires, les yeux de Hiéroclès se révélaient d’une indifférence désespérante. Son regard tombait bien, par moments, sur l’adolescent, mais alors, il l’effleurait à peine, sans vraiment le voir. Et, plus ces yeux impénétrables, ces prunelles distantes, d’une froideur sublime, le fuyaient, plus Varius leur trouvait un charme irrésistible et plus ils jetaient en lui un trouble puissant.
    Les distractions licencieuses commencèrent après les langues de paon et les tétines de truie. Vint le moment des chorégraphies lascives, des balancements de hanches et des trémoussements de croupes exécutés par les danseuses orientales et les joueuses de flûtes – seules femmes admises dans les banquets de l’empereur –, destinés à réveiller la sensualité des convives.
    Plus la nuit avançait, plus les défis devinrent absurdes et scabreux. Pour satisfaire à son goût du monstrueux, de la difformité et de la laideur, l’empereur exhiba ceux qu’il appelait, non sans une certaine fierté, ses « curiosités ». Il fit venir les êtres les plus contrefaits de la ville, des estropiés, des nains, des bossus, des hommes aux membres atrophiés, un enfant à deux têtes. Il ordonna à un muet de chanter, à un boiteux de se livrer à des exercices d’équilibre sur une épée, à un cul-de-jatte de grimper sur une chèvre, à une paire de siamois de se séparer, suscitant aux dépens de ces malheureux l’hilarité générale.
    Quand le moment fut venu de déguster les rossignols, les becfigues, les têtes de cigogne et les truffes saupoudrées de perles, Varius fit venir une dizaine de jeunes prostitués à peine sortis de l’enfance pour apprécier leurs charmes respectifs ; les convives s’amusèrent alors à établir des comparaisons entre les visages des petits garçons, entre leurs fesses et leurs parties intimes. Une fois la chose jugée, ils les firent enfin concourir entre eux pour savoir lequel était le plus vicieux. Le raffinement excessif des mets que Varius faisait servir à ses hôtes semblait aller de pair avec la dépravation la plus odieuse et les plaisirs les plus abjects.
    À la fin du repas, pour aiguillonner davantage les pulsions libidineuses de ses favoris, pulsions déjà fort titillées par l’ivresse et la licence des spectacles précédents, l’adolescent leur fit donner la représentation d’un spectacle erotique. Deux acteurs, engagés à cet effet, vinrent jouer le mime de la nuit de noces de Dionysos et d’Ariane. Les deux hommes, l’un habillé en femme, l’autre vêtu d’une tunique si courte qu’elle ne laissait aucun doute sur son sexe, interprétèrent d’abord la comédie du mariage puis prirent, avec des gestes suggestifs, la position des amants qui se caressent et s’unissent avec passion. Mais très vite le faux Dionysos et l’Ariane travesti cessèrent de simuler pour s’accoupler véritablement devant les invités, avec une fougue et un zèle qui n’avaient plus rien de professionnels.
    Varius, excité par la scène, se décida à être enfin audacieux. Pris d’une irrésistible envie de toucher Hiéroclès, il laissa courir un doigt dans sa crinière blonde.
    À son grand étonnement, celui-ci répondit en tournant enfin vers lui sa figure de jolie petite brute et le sillon inflexible de sa bouche esquissa un demi-sourire. L’empereur, soudain timide et gauche, empêtré dans une inhabituelle pudeur, fut tellement bouleversé par ce sourire négligé et indéchiffrable qu’il en perdit momentanément l’usage de la parole.
    Il dévisagea l’aurige avec une admiration égarée, le visage empourpré, submergé par cette confusion qui envahit les jeunes vierges éprouvant leurs premiers émois sensuels. Il resta un instant figé dans cette expression idiote, le menton légèrement pendant, la bouche entrouverte. Mais malgré cet air de béatitude amoureuse, ses yeux jaunes de félin paresseux, d’ordinaire si mornes, avaient pris un surprenant éclat et

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