Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
se disputer les restes du festin.
Toute la nuit, Hiéroclès se montra non seulement d’une incroyable vigueur, mais également d’une audace amoureuse incomparable. Varius en fut tout ébloui. Aucun des hommes qui lui étaient jusque-là passés sur le corps ne lui avait procuré les sensations inouïes que lui donna cet athlétique cocher de vingt ans, à la sensualité sauvage. Hiéroclès dépassa, et bien au-delà, les plus coupables fantasmes de l’adolescent et ses rêves les plus fous.
Dès lors, l’empereur lui voua une passion ardente, sans limites, une passion qui balaya tout des convenances et de la modération.
Il l’appela son « mari » et lui offrit en public toutes les preuves de son amour insensé et débordant, sans souci de la plus élémentaire décence. Il l’exigea à ses côtés chaque minute, vivant comme un drame la moindre de ses absences, lui fit des scènes, des cajoleries, des déclarations enflammées.
Partout où les deux amants se trouvaient, on les voyait enlacés, collés, fondus l’un dans l’autre. Et Varius semblait ne plus avoir d’autre désir que celui de caresser sans cesse, de ses mains idolâtres, les muscles puissants de son cocher, ni d’autre plaisir que de s’agenouiller devant lui pour lui embrasser publiquement les parties intimes, affirmant célébrer par ces gestes obscènes les véritables rites de l’amour.
Flatté d’être l’objet d’un culte aussi excessif que démonstratif, Hiéroclès en oublia vite le cirque et sa basse extraction. Sa soif d’honneurs trouva naturellement, dans le comportement de Varius, de quoi s’abreuver jusqu’à l’ivresse. Fêté comme un roi, adulé comme un dieu, gâté jusqu’à la démence par son impérial amant, l’esclave carien (138) , qui jusqu’à sa soudaine élévation vivait avec sa vieille mère dans une insula miteuse de Subure, eut droit à toutes les faveurs et à toutes les marques de distinction que son orgueil pouvait souhaiter.
CHAPITRE XXXIV
Varius donc, aimait. Mais sa fougueuse passion le coupait davantage encore des réalités politiques et endormait dangereusement sa vigilance. Car, pendant qu’il vivait sans honte et sans frein sa liaison avec Hiéroclès, Mammaea échafaudait dans l’ombre des plans pour l’avenir.
Tout comme Varius l’avait été en son temps, afin de servir l’ambition de Maesa et de Soemias, le jeune Alexandre était devenu l’instrument de sa mère pour la conquête du pouvoir. La discrète et sournoise Mammaea complotait en sourdine, tissait la toile de ses desseins criminels. La princesse connaissait trop bien les moyens d’agir sur l’opinion pour ne pas les utiliser à son tour. S’inspirant des intrigues de sa sœur et de sa mère, qui avaient fait la preuve de leur succès, elle manœuvrait dans le même sens, avec une énergie identique et un talent plus proche encore de la perfection.
Sachant pertinemment que l’armée était la source du pouvoir impérial, elle avait entrepris auprès des soldats une implacable campagne de propagande et d’intoxication.
Mammaea soutenait activement la cause de son poulain en vantant aux prétoriens ses innombrables qualités et, à l’inverse, claironnait les plus infâmes défauts de son neveu, faisant des deux cousins, l’un le parangon de toutes les vertus, l’autre celui de tous les vices : Antonin était le type même du mauvais empereur, du tyran accompli et du débauché ; Alexandre, au contraire, était le prince idéal, simple, chaste et pur. Les deux garçons s’opposaient en tous points, tant par le caractère que par la conduite, l’un faisant, en chaque circonstance, systématiquement le contraire de l’autre.
Alors qu’Antonin prenait les jours pour les nuits, alors qu’il se vautrait sans retenue dans la goinfrerie, le sage Alexandre, lui, était toujours debout à l’aube et ne dînait que d’un repas frugal ; alors que le premier était indolent et pleutre, le second était déjà un guerrier remarquable, doté d’un sens exceptionnel du commandement ; Antonin était cruel, Alexandre était bon ; Antonin offensait et méprisait les dieux, Alexandre régnait sous leur regard et ne faisait rien sans leur accord ; pendant qu’Alexandre veillait sur l’État ou qu’il philosophait, Antonin, lui, faisait la noce et prostituait l’Empire.
Mais la vérité, si choquante fut-elle, ne lui paraissant pas suffisante pour éliminer celui qu’on ne surnommait plus que sous
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