Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
prétoriens.
Lorsque les agents des Syriennes firent courir la rumeur qu’on était sans nouvelles du prince héritier depuis plusieurs jours et que l’odieux forfait avait sans doute été commis, l’émotion s’empara des soldats. Une partie des prétoriens, certains réellement affolés, certains fous de rage, d’autres remontés par Comazon qui les avait grassement rétribués en sous-main, se précipitèrent jusqu’au Palatin pour vérifier par eux-mêmes s’il était effectivement arrivé quelque chose de fâcheux au jeune Alexandre.
Arrivés à la Domus Augustana, ils purent constater que le garçon était sain et sauf, mais leur colère ne retomba pas pour autant. Afin de le mettre pour de bon à l’abri des tentatives homicides d’Antonin, ils l’emmenèrent, avec sa mère et sa grand-mère, dans leur camp du Viminal.
Aussitôt après, un second groupe, composé d’une centaine d’hommes, se décidait à marcher en direction du palais sesso-rien, résolu à en finir avec l’empereur indigne.
Lorsque le petit détachement de prétoriens parvint devant la résidence impériale, les gardes en faction tentèrent tant bien que mal de lui en interdire l’entrée, mais les mutinés, haineux et déterminés, sortirent leurs armes et se montrèrent menaçants. Le tumulte eut vite fait d’avertir le préfet du prétoire qui se trouvait au palais au même instant.
Alarmé, Antochianus se précipita immédiatement au-devant de ses hommes. Lorsqu’il les rencontra, ils avaient réussi à forcer l’accès de la domus et avaient déjà pénétré dans le grand atrium. Une dizaine d’hommes avaient investi la place, le reste du groupe ayant préféré rester sur l’esplanade.
Antochianus affronta courageusement la petite troupe des révoltés, au risque de mettre sa propre vie en danger.
— Comment osez-vous, soldats, entrer par la force des armes dans le palais d’Auguste ? Vous trahissez votre serment d’obéissance ! Vous violez le sacramentum qui lie, au regard des dieux et de la loi, l’armée à son imperator ! Vous pourriez être mis à mort pour avoir manqué à votre parole !
Le meneur de la troupe, le centurion Cerva, commandant de la première cohorte, loin d’être impressionné par cette menace, s’avança d’un pas. Le front ridé, l’avant-bras strié de cicatrices, il semblait avoir accompli depuis longtemps ses seize années de service dans la garde.
Entre les couvre-joues de son casque de fer apparaissait un menton taillé à la serpe.
— Cerva, ne va pas plus loin ! l’avertit Antochianus, qui avait reconnu l’officier.
— D’accord, répondit le prétorien, mais dis à l’empereur que nous exigeons de le voir en personne ! Nous ne discuterons pas avec un intermédiaire, pas même avec toi !
— Je suis votre chef, répliqua le préfet du prétoire, et vous n’êtes manifestement pas venus ici pour discuter. Jamais je ne vous laisserai attenter aux jours de l’empereur !
— Et nous ne sommes pas non plus venus pour recevoir des ordres d’un danseur ! cracha Cerva en pointant son glaive sur la gorge d’Antochianus.
Celui-ci déglutit avec peine. Son esprit réfléchissait à une vitesse vertigineuse, envisageant les solutions qui s’offraient à lui. Il comprit qu’il lui fallait désarmer la colère et l’excitation des prétoriens en appelant à leur raison.
— À quoi vous servira de tuer l’empereur ? déclara-t-il d’une voix imperturbable, tandis que la pointe effilée du glaive continuait d’appuyer dangereusement sur sa carotide, sinon à compromettre les chances de César Alexandre de monter sur le trône ? Le peuple et le Sénat croiront qu’il a lui-même commandité ce meurtre.
— Depuis quand les prétoriens se soucient-ils de ce que pensent le peuple ou le Sénat ? railla Cerva.
Des rires gras fusèrent derrière lui.
— Laisse-nous passer ! hurla un homme du rang en dégainant son arme, ou ton cadavre ira nourrir les crocodiles d’Antonin dans leur bassin !
Lorsque le détachement de prétoriens était arrivé au palais sessorien, Varius se trouvait dans sa chambre avec Hiéroclès, occupé aux préparatifs d’une course de chars. Il n’avait rien perçu du vacarme et continuait de s’entretenir gaiement avec son amant.
— César ! s’écria Gordius en se précipitant dans ses appartements, suivi de Protogène et de Myrismus, les prétoriens sont devenus fous ! Ils sont aux portes du palais et
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