Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
menacent de venir jusqu’à toi !
Varius laissa tomber sa mâchoire.
— Antochianus essaye de les contenir dans l’atrium mais ils pourraient bien être là d’ici peu ! Et je viens d’apprendre que d’autres soldats s’étaient rendus au Palatin : ils ont emmené Alexianus pour le mettre sous leur protection ! C’est une révolte César, nous sommes perdus !
Au même instant, Claudius, affolé, arrivait également en courant dans la chambre impériale. Des larmes de désespoir inondaient son visage fardé, laissant sur ses joues des petits grumeaux de pâte blanche.
— C’est la fin ! hurla-t-il de sa voix stridente, au bord de l’hystérie.
Au comble de la panique, Varius fila se cacher derrière l’un des rideaux de la chambre. Ainsi dissimulé dans les plis de la lourde tenture, il cessa de remuer, sans plus respirer, économe de ses mouvements et de son souffle pour ne pas faire bouger l’étoffe.
Les favoris, quant à eux, restèrent plantés au milieu de la chambre, paralysés et indécis. Seul Claudius, davantage animé que pétrifié par la peur, se mit à courir dans tous les sens, comme un insecte affolé, à la recherche, lui aussi, d’une bonne cachette. Il ouvrit un grand coffre et entreprit de le vider des effets qui l’emplissaient, faisant voler avec des gestes fébriles les voiles, les châles, les robes et les tuniques. Mais quand il essaya de se plier à l’intérieur du meuble, il s’aperçut que ses jambes dépassaient et poussa un cri d’orfraie plumée vive.
— Ils vont massacrer l’empereur ! Et nous aussi ! Tous ! Et moi en premier !
Effrayé de ses propres paroles, certain que les soldats s’en prendraient également à lui, il se remit à crier et, finalement, vint se cacher avec Varius derrière le rideau.
— Pousse-toi ! chuchota l’adolescent. Va-t’en Claudius ! Tu vois bien qu’il n’y a pas assez de place pour deux !
Constatant que l’autre ne bougeait pas, au comble de l’affolement et cédant à un naturel besoin de protection, l’empereur se blottit en désespoir de cause contre son coiffeur. Ainsi, serrés l’un contre l’autre, les deux lâches joignirent leurs tremblements comme s’ils ne faisaient plus qu’un seul corps à eux deux. « Je vais mourir, songea alors Varius. Dans quelques instants, je serai mort. » Cette pensée brutale, violente, pénétra dans son esprit comme un glaive qui troue et qui déchire.
Hiéroclès, comme si ses idées, en cet instant, s’accordaient avec celles de l’empereur, réalisa à son tour que si celui-ci mourait, lui-même était condamné, et se décida enfin à réagir.
Il alla tirer Varius de derrière son rempart de tissu en l’attrapant par le poignet, non sans brutalité.
— Laisse-moi ! supplia l’adolescent. Que cherches-tu ? Veux-tu qu’ils me tuent ? Laisse-moi me cacher !
— Rien ni personne ne peut plus te protéger, surtout pas ce rideau ! lui dit durement Hiéroclès. Rien, si ce n’est le prestige attaché à ton titre d’Auguste ! Souviens-toi que tu es l’empereur : cela seul pourra te sauver !
Le cocher vit, dans le visage de l’adolescent, la pâleur des lèvres, les yeux bombés envahis par une hébétude qui n’exprimait plus rien qu’une terreur épouvantable.
Il dut croire qu’il allait défaillir, car il avança un bras pour le soutenir.
— Je suis là, dit-il d’une voix adoucie, ne crains rien. Je reste avec toi.
Des bruits secs de pas et de chocs métalliques résonnèrent dans les couloirs, leur signifiant que les prétoriens avaient forcé tous les barrages et approchaient.
— D’accord, haleta Varius, mais promets-moi de ne pas m’abandonner ou je vais m’évanouir ! Reste près de moi, Hiéroclès, laisse-moi te donner la main !
— Prends la mienne, lui dit son amant, et tiens-toi droit sur tes jambes. Allez ! Voilà. Bon, maintenant, prépare-toi à les recevoir comme un empereur. Regarde-les. Ne baisse surtout pas les yeux. Affronte-les avec courage !
Varius maîtrisa d’une grimace des lèvres les sanglots qui menaçaient de rejaillir, mais ne put contrôler le tressaillement nerveux qui soulevait sa paupière droite.
— Inutile de les braver, lui conseilla encore Hiéroclès. Sans les défier, tu dois cependant leur montrer que tu ne les crains pas. Et ne pleurniche pas : ils n’auront pitié ni de tes pleurs ni de tes airs effrayés. Ce sont des soldats.
Lorsque les dix prétoriens
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