Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
celles-ci ayant été largement amputées après la désertion des deux mille hommes qui avaient rejoint Varius à Raphanae. Il avait pu cependant renforcer ce premier corps par des auxiliaires de cavalerie légère venant de Palmyre et d’Arménie et par des archers à pied crétois. En outre, fort des sept cohortes de la XII e Flavia Fulminata (46) et disposant également des cinq cents Maures de sa garde personnelle, cavaliers intrépides à son entière dévotion, il pouvait aligner, avec ses prétoriens restés fidèles, une quinzaine de milliers de combattants.
Sur les conseils de Quintus Tarsino, son principal legatus Augusti legionis (47) , il avait cherché à s’adjoindre une unité de cavalerie lourde, dont la charge pouvait se révéler décisive pour enfoncer les formations serrées de l’infanterie adverse. À cet effet, des messagers s’étaient rendus en Palestine, auprès de la VI e Flavi a F errata (48) , exigeant qu’elle fournisse à Macrin deux escadrons de six cents hommes. Mais le légat de la VI e , soit par prudence, soit par mépris du vieil empereur, avait préféré s’enfermer dans son camp, renforcer ses fortifications et attendre que l’orage passe.
Toutes les autres légions situées aux frontières orientales de l’Empire s’étant également dérobées, Macrin avait fait alors, à l’insu de ses officiers, ce qu’aucun général romain ni aucun empereur n’avait osé auparavant : il avait envoyé en secret des émissaires auprès des Parthes, les ennemis héréditaires de Rome depuis près de trois siècles, pour quémander à Artaban la mise à disposition de cataphractaires (49) .
Monté sur un grand cheval noir, Quintus Tarsino observait, aux côtés de Macrin, la formation en ordre de bataille des cohortes de l’armée régulière et celle des alae (50) auxiliaires.
— Les tribuns militaires et les centurions attendent tes ordres, César.
Pour toute réponse, l’empereur offrit au commandant des légions un visage d’une extrême pâleur, figé dans une expression douloureuse.
L’insupportable chaleur le suffoquait et lui donnait des étourdissements. Sans compter que, depuis la veille au soir, il souffrait de violentes crampes d’estomac et d’intolérables troubles intestinaux. Il avait passé la moitié de sa nuit à ramper de sa couche aux latrines et à essayer de calmer la funeste angoisse qui le privait de ses forces et de son énergie.
— Quels sont tes ordres, César ? répéta brutalement le légat en bridant sa monture qui piétinait d’impatience.
Macrin ne put maîtriser le petit soubresaut nerveux déclenché par une nouvelle crampe. Il se sentit pitoyable et impuissant.
Le vieil homme, qui n’avait pas grande expérience des champs de bataille, ni l’âme d’un général, était totalement ignorant quant à la stratégie à adopter.
Il comprit qu’il n’avait d’autre choix, en ce moment crucial, que de faire l’aveu de son incompétence.
— Je te laisse la direction des opérations, répondit-il, les lèvres pincées.
Le légat de légion s’adressa alors au tribun Decimus Aelanus.
— Les centurions sont-ils prêts ?
— Ils le sont.
— Je veux que toutes les unités de fantassins avancent de cent pas, en formation compacte, sur trois lignes de huit rangs et restent ensuite sur leur position. Que les prétoriens soient gardés en réserve à l’arrière, avec la cavalerie numide.
Macrin, qui regrettait déjà d’avoir donné la preuve de son incapacité, tenta de donner son avis :
— Est-ce vraiment bon pour le moral des troupes ? demanda-t-il. Une charge immédiate motiverait davantage les soldats. Et nous pourrions en finir plus vite…
— Une charge immédiate, César ? répliqua le légat. Je te rappelle que nous n’allons pas affronter des hordes de barbares indisciplinés, mais un ennemi aussi bien entraîné et équipé que nous ! C’est la légion gauloise que tu t’apprêtes à combattre, ainsi que nombre de tes propres prétoriens, ceux-là mêmes qui t’ont trahi à Raphanae, l’élite de l’armée romaine !
— Mais nos effectifs sont largement supérieurs, non ? demanda Macrin en bougeant nerveusement sur sa selle.
— Pour l’instant, corrigea le légat. Parmi tes légionnaires, il en est un grand nombre qui sont déjà prêts à se rallier aux rebelles. Il se peut qu’ils abandonnent le combat et qu’au plus fort de la bataille, ils décident d’aller grossir
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